Le recrutement innovant ne vous sauvera pas

Il y a une fascination pour le recrutement innovant qui canalise les attentions et les attentes. Récemment, on m’a présenté dans une intervention comme « un expert du recrutement 3.0 ». En admettant que 3.0 veuille dire la moindre chose, on ne saurait être plus à côté de la plaque que ça.

Notre sujet ce n’est pas le recrutement numérique, le recrutement 2 ou 3 ou 5.0, le recrutement sur les réseaux sociaux ni aucune de ces choses brillantes. Nous sommes nous-mêmes coupables de cette confusion car nous l’entretenons dans nos communications de vente, pour aller plus vite.

Mais le problème ce ne sont pas les outils ou la nouveauté. Ce ne sont même pas de véritables sujets en soi.  Explications.

Qui se trompe de combat se trompera de victoire

L’innovation, les réseaux sociaux, le 3.0 sont des mots qui brillent. En les prononçant vous pouvez capter l’attention d’un auditoire (positivement comme négativement d’ailleurs). Le problème c’est qu’ils trahissent souvent une erreur fréquente : croire que les outils peuvent vous sauver. Ou, inversement, accuser les outils de vos difficultés (c’est pour ça qu’on dit qu’un mauvais ouvrier a toujours de mauvais outils). Alors que, les outils sont rarement le coeur du problème. Je peux vous donner l’épée de Zorro, son cheval et son costume : vous n’allez pas vous mettre à virevolter dans tous les sens pour autant. Zorro n’est pas Zorro grâce à son épée (même si elle l’aide). Zorro est Zorro grâce à son entraînement et à ses convictions profondes.

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Au fond, les outils et l’innovation sont souvent une fausse excuse que l’on se donne. J’ai un ami qui a une définition comique et agressive de la génération Y (je sais, on avait dit la semaine dernière qu’on en parlait plus jamais):

« C’est un concept qui a été inventé par des gens pour se consoler de ne pas avoir fait l’effort de se former à certains outils. Il suffit de dire : ‘ce n’est pas de ma génération’ et on est dispensé comme par magie ».

En formation j’ai régulièrement des personnes qui venaient en disant « je ne peux pas utiliser LinkedIn dans mon sourcing car je n’ai pas de compte premium » et qui repartent étonnées : « ah mais en fait je peux déjà faire beaucoup de choses avec un compte gratuit, je n’avais jamais cliqué sur la recherche avancée ».

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Dans cet exemple, vous avez la synthèse de l’ampleur du danger de se laisser fasciner par les outils ou l’innovation. On finit par mettre sa réussite dans les mains d’un facteur externe. Fantasmé, en plus. Au passage, de manière générale, c’est rarement une bonne idée de se dire que sa réussite dépend d’un facteur extérieur.

L’autre obstacle conséquent c’est la foi béate en l’innovation ou la technologie. Comme si la technologie et l’innovation étaient bonnes en soi. Vous savez ce qu’on dit au sujet des erreurs ? Qu’il faut apprendre d’elles. Il faudrait apprendre de ses erreurs, oui. Mais encore faut-il réaliser son erreur. Sinon, les erreurs précédentes ne nous servent qu’à faire des erreurs plus vite. Avec un outil productif c’est encore pire : vous commettez des erreurs à grande échelle, de plus en plus vite et de plus en plus nombreuses.

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C’est pour ça que le recrutement sur les réseaux sociaux n’est pas un sujet complet en soi. Je peux vous donner le même outil (LinkedIn) et vous pouvez en faire des choses impressionnantes dans les deux sens : exceptionnelles ou catastrophiques.

De la même manière que si je vous donnais les mêmes ingrédients, les mêmes ustensiles de cuisine, et la même durée : vous ne ressortiriez pas avec des plats de même qualité à la fin. Pire : même si je vous donne exactement la même recette, j’aurais encore une différence de qualité à la fin. Et c’est quelqu’un qui a déjà raté des pâtes et de la semoule qui vous le dit. Les outils ne nous mettent pas à égalité.

Le vrai combat : chasse ou pêche

Finalement ce qui fait la différence c’est davantage la conception et la vision du métier du recrutement. L’innovation et les outils viennent bien après. Est-ce que je considère que mon métier c’est d’attendre que des candidats viennent à moi ? Ou alors est-ce que je pense qu’il n’existe pas de candidats mais que des prospects à convaincre ? Ce sont deux approches radicalement différentes qui vous emmènent sur des chemins qui ne se ressemblent pas du tout.

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Pour revenir à la cuisine, il y a une différence entre les restaurants qui estiment que leur métier c’est de servir des plats (peu importe qu’ils soient surgelés) et ceux qui se sentiraient insultés si vous leur demandez s’ils utilisent du surgelé car ils envisagent le sourcing d’ingrédients frais comme une facette de leur métier. C’est pareil dans le recrutement : tout le monde n’a pas l’envie du sourcing.

D’autant plus que beaucoup de gens ont eu une expérience industrielle et traumatisante du sourcing : c’est sûr que si votre vision du sourcing consiste à rentrer des mots-clés dans une CVthèque vous n’aurez pas envie d’en faire. On touche d’ailleurs à la notion-clé : le plaisir.

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Avant toutes choses, ce qu’on essaie de vous transmettre sur LEDR Pro ce n’est pas tant la technique que le plaisir. Au final la technique sert à vous armer suffisamment pour être capable de prendre du plaisir. Car, effectivement, si vous ne savez pas écrire un message d’approche efficace ni deviner un email à partir d’un patronyme et d’une entreprise vous aurez du mal à prendre du plaisir.

Si vous pensez que le sourcing (ou le recrutement) « c’est chronophage », votre problème ce n’est pas les outils. Votre problème c’est ce qui vous ammène à avoir ce type de pensée. Remarquez que quand vous rentrez dans un restaurant et que le cuisinier vous dit « ça prend trop de temps d’aller trouver des ingrédients frais, donc je fais des surgelés », il est peu probable que vous soyez en admiration devant son professionnalisme.

Or, la question de la chasse et de la pêche permet souvent de se débloquer (pas à tous les coups, certes). Une fois que j’envisage mon métier comme un métier de service et de séduction je vais me comporter bien différemment. À cet égard, je peux voir les candidats comme des marchandises me permettant d’arriver à un objectif…mais je peux aussi les voir comme des clients que je dois satisfaire. Ce sont deux approches sans point commun. Une fois que j’ai intégré l’envie du service client, les outils viennent d’eux-mêmes. Ce n’est pas l’inverse. Si je vous donne le meilleur restaurant du monde avec la meilleure cuisine et la meilleure salle, vous n’irez pas bien loin si vous n’avez pas envie de faire la cuisine correctement ou que vos serveurs font la tête quand ils parlent aux clients. Êtes-vous déjà allé dans un restaurant où vous avez eu l’impression que vous dérangiez les serveurs ?

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D’où l’importance du plaisir dans ce que l’on fait. L’envie ne peut venir que du plaisir. Et, une des manières de prendre du plaisir dans ce que l’on fait c’est de le faire bien. Une autre manière de prendre du plaisir c’est d’innover en permanence pour ne pas s’ennuyer. Mais c’est secondaire.

Or, le service client et la chasse sont des disicplines qui ont toujours existé. LinkedIn ne change rien aux dynamiques fondamentales. En revanche, comme tous les outils, LinkedIn met tout ceci à votre portée. Mais « à votre portée » ne veut pas dire « dans le creux de votre main » : les outils réduisent la distance entre vous et un savoir-faire mais ils ne l’anéantissent jamais. Dans tous les cas, un effort de votre part est incontournable.

L’outil en soi n’est pas un sujet : les gens recrutaient sans les outils d’aujourd’hui et ils recruteront sans. Les outils passent et trépassent, le professionnalisme reste. Quand les gens n’avaient pas d’ordinateur, ils faisaient autrement.

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Et vous aviez quand même une différence entre les gens qui mettaient des annonces dans les journaux puis attendaient et ceux qui montaient des scénarios pour récupérer des informations confidentielles et débaucher des profils. Les ordinateurs et le web n’ont pas transformé les pêcheurs en chasseurs : ils leur ont donné des nouveaux outils à chacun.

En fait on confond la cause et la conséquence, comme souvent. Pourquoi certaines personnes pensent que les chapeaux rendent chauves ? Parce qu’ils voient beaucoup de gens porter des chapeaux et devenir chauves. Mais en réalité c’est l’inverse : les gens atteints de calvitie précoce aiment bien porter des chapeaux pour le camoufler. Je vous le dis en connaissance de cause : j’ai fait ça pendant plusieurs années avant d’assumer d’avoir commencé à perdre mes cheveux à 25 ans.

De la même manière : ce n’est pas parce que quelqu’un fait du sourcing sur LinkedIn que c’est un chasseur. C’est parce que c’est un chasseur qu’il fait du sourcing sur LinkedIn.

Il n’y a pas d’opposition entre ancienne et nouvelle école

En défitinive, ce qu’il faut oublier c’est l’opposition fantasmée entre une ancienne et une nouvelle école. On passe totalement à côté du sujet en faisant cette opposition. Il n’y a pas d’ancienne et de nouvelle école : il y a la bonne et la mauvaise école.

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Et cette obsession entre ancien et nouveau nous aveugle plus qu’on ne le reconnaît. J’en veux pour preuve les annonces. À chaque fois que j’ai accompagné des recruteurs sur la rédaction de leurs annonces, j’ai eu comme première réaction : « on est une entreprise sérieuse, on ne peut pas faire des annonces funs comme les startups ». Et, à chaque fois, je prenais une annonce au hasard et elle était mal écrite (mal copiée-collée), pleine de fautes d’orthographe et incompréhensible. Aucun rapport avec le fun ou la nouveauté donc. Bien écrire est une discipline multimillénaire. Produire un texte captivant n’est pas une affaire de fun ou de nouveauté. C’est davantage une question de savoir ce que l’on veut dire et de l’exprimer clairement.

J’observe d’ailleurs exactement le même type de débat stérile avec le vouvoiement et le tutoiement. On peut passer une heure à expliquer qu’un bon message d’approche doit s’appuyer sur des techniques d’empathie, et des mécanismes psychologiques étudiés, puis proposer concrètement une structure contre-intuitive C-A-B au lieu de l’intuitif A-B-C, quelqu’un va quand même dire « oui mais là c’est écrit en vouvoiement/tutoiement, moi je ne peux pas ». Alors que la question n’est pas là : peu importe ce que vous choisissez, un message écrit avec technique est meilleur qu’un message écrit sans technique.

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Un autre symptôme du vide de cette opposition c’est l’utilisation du mot « classique ». Un des retours les plus fréquents que les gens font après avoir lu un très mauvais messages d’approche ou une très mauvaise annonce c’est « oui, c’est un peu trop classique ». Classique étant ici un mot de langue de bois pour dire « chiant ».

Écrire de manière lourde et dans une syntaxe poussive n’a jamais été classique. Quand je vous dis d’une musique que c’est de la musique classique, je ne suis pas en train de vous dire uniquement que c’est une ancienne musique, je suis également en train de vous dire qu’elle fait référence. Copier-coller des descriptifs de poste plein d’acronymes pour en faire des annonces, ça n’a jamais été classique : c’est juste mauvais. Vous ne trouverez aucune formation qui vous recommande de le faire : les gens le font par paresse et mimétisme.

Les mauvaises habitudes et le classique sont deux choses très différentes. Un classique du recrutement ce serait plutôt les réponses à « je ne suis pas à l’écoute du marché ». Que ce soit à l’époque du téléphone, de l’email ou des réseaux sociaux, les gens ont toujours objecté de cette façon (même si les mots ont changé) et les bons recruteurs ont toujours eu une réponse toute prête à cette objection.

Ce qui devrait vous intéresser ce n’est pas de savoir si vous êtes de l’ancienne ou de la nouvelle école mais bien de savoir si vous êtes dans la bonne école ou pas. Par exemple, ne pas répondre aux candidatures n’a jamais été une bonne pratique : c’était juste une mauvaise pratique qui semblait être tolérée.

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Maintenant, les candidats mécontents peuvent venir le faire savoir sur votre page Facebook. Du coup les conséquences sont plus immédiates et visibles. De plus en plus d’entreprises ont donc été forcées de s’intéresser à l’expérience candidat. Mais l’expérience candidat n’a rien de nouveau : il y a toujours eu des bons et des mauvais élèves en la matière. C’est juste que maintenant tout le monde peut le voir sur la place publique.

De la même manière, envoyer le même message générique à 200 personnes en espérant que quelqu’un morde n’est pas une méthode. C’est même tout l’inverse d’une approche méthodique. Ce n’est pas classique, ce n’est pas traditionnel, c’est du spam. De la même manière que les candidats qui envoient 200 fois leur CV au hasard : ce n’est pas parce qu’on finit par obtenir un résultat que c’est une méthode. Ce n’est pas parce qu’on a toujours fait comme ça que ça devient un classique.

Car c’est un autre piège de se complaire dans l’opposition ancien/nouveau : on finit par accepter une mauvaise pratique uniquement parce qu’on l’a répétée suffisamment longtemps. Ou, inversement, on attribue à la nouveauté un statut sacré et messianique. Mais ce que Uber montre ce n’est pas que l’innovation renverse un secteur. Uber montre juste que beaucoup de taxis faisaient mal leur travail, tout simplement. D’ailleurs vous remarquez que les premiers retours des gens qui découvrent Uber c’est jamais « l’application est géniale » mais bien « le chauffeur était super sympa, il m’a ouvert la porte et m’a proposé une bouteille d’eau ».

Conclusion

Encore une fois, ce qui est important ce n’est pas l’ancien ou le nouveau, c’est le bon ou le mauvais. Posez-vous la question de la bonne manière de faire et tendez-y. Il n’y a rien de pire que la phrase « je n’ai pas le temps de m’intéresser aux nouvelles méthodes même si je sais que y’a des choses bien à faire». Si vous prononcez cette phrase et que vous y croyez, vous faîtes une faute professionnelle, point. Heureusement, la plupart du temps, les gens qui prononcent cette phrase ne la croient pas eux-mêmes. En fait ils répètent mécaniquement quelque chose qu’ils ont été forcé de dire. On leur a tellement répété qu’il fallait faire du recrutement innovant, qu’ils finissent par le répéter aussi. Le problème c’est que personne ne leur a jamais fait la démonstration du pourquoi. Donc ils répètent sans croire.

En revanche, si vous prononcez cette phrase et que vous y croyez vraiment, posez-vous des questions. C’est comme si vous disiez « si j’avais travaillé, j’aurais pu être plus efficace, mais je n’ai pas fait mon travail ».

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Ou comme les gens qui passent leur vie à dire qu’ils auraient pu être écrivains ou chanteurs s’ils avaient travaillé pour.

Le nouveau ne va pas vous sauver, pas plus que l’innovation ou les outils. Ce n’est pas l’innovation qui rend les gens efficaces, c’est les gens efficaces qui innovent en permanence pour améliorer leur efficacité. Ne mettez pas la charrue avant les boeufs.

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