Quand utiliser le “feeling” dans le recrutement ?

Je discutais avec Carole David et Aurélien dans le cadre de la préparation du talk de Carole pour La Conférence du Recrutement. On débattait de la place du feeling dans le recrutement. Et c’est là qu’Aurélien a eu une révélation : en fait, notre relation au feeling est l’inverse de ce qu’il faudrait faire. Et j’irai même plus loin : le débat entre feeling ou pas est en réalité le mauvais débat.

On va voir pourquoi. Mais avant il faut séparer le recrutement en deux enjeux.

Séduire et évaluer

Photo de Abhinav Sharma

Le recrutement est un équilibre entre ces deux forces contraires : à la fois je cherche à évaluer quelqu’un et à la fois je cherche à le séduire. Ce conflit est à l’origine de beaucoup de difficultés dans le métier.

Par exemple, on a du mal à assumer nos retours négatifs : alors on les fuit. Parce que d’un coup il faut basculer d’une posture où on a essayé de séduire une personne à une posture où on doit lui rendre une évaluation clinique.

Ou alors, on se laisse emporter parce qu’on a passé un super moment avec un·e candidat·e et on veut lui faire un retour à chaud super positif. Puis, on dort dessus, on prend du recul et on se rend compte qu’au final l’évaluation est un poil moins positive. Ou, pire encore, on s’en rend compte uniquement une fois que la personne est en poste.

L’entretien est probablement la phase où c’est le plus compliqué. En effet, là où la préqualification téléphonique et le tri de cv sont majoritairement un enjeu d’évaluation, l’annonce et l’approche un enjeu de séduction… l’entretien est exactement à mi-chemin entre les deux.

Je pense que c’est en partie ce qui explique pourquoi on finit par sacrifier une des deux forces. En effet, la plupart des personnes que je croise en formation font la même chose : elles font passer la séduction par dessus bord. Il y a même des personnes qui recrutent et qui pensent que la séduction est une faiblesse. Que, les gens doivent être motivés dès le début du process, par la simple évocation du nom de notre marque. Syndrome d’autant plus exacerbé que l’entreprise est grosse.

On se retrouve alors avec des recrutements entièrement tournés vers l’évaluation, avec un petit côté professoral (au mauvais sens du terme). Ça me fait penser au collège.

Les élèves si populaires qu’ils en deviennent froids. Jusqu’à ce qu’un jour le vent tourne et que ça soit le désarroi. Je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir cette pensée quand j’ai vu la crise sanitaire faire paniquer des services recrutement : on n’y arrive plus, les gens nous snobbent.

Pire encore, on finit par surestimer ses capacités d’évaluation. J’ai déjà écrit un article sur le sujet ICI.

Mais ça mériterait encore un article entier sur le sujet : ce biais de surconfiance. À force de tout miser sur l’évaluation on finit par oublier que c’est un exercice hautement aléatoire. On finit par vraiment croire qu’on a un pouvoir magique, qu’on sent les gens. Alors que si c’était vrai on serait une célébrité mondiale. Si quelqu’un avait ce pouvoir il serait immédiatement convoité par toutes les polices du monde.

Je m’égare. Un jour j’écrirai cet article. Mais en attendons revenons à celui-ci : quand utiliser le feeling dans le recrutement.

Nous sommes froids quand il faut être chauds et chauds quand il faut être froids

C’était ça la révélation d’Aurélien. Prendre subitement conscience qu’on fait les choses à l’envers. En effet, nous avons tendance à être chaud·es dans l’évaluation et froid·es dans la séduction. En d’autres termes on utilise le feeling pour évaluer et on s’en prive pour séduire. Alors qu’il faudrait faire l’inverse.

La plupart des personnes qui recrutent sont attachées à leur feeling dans l’évaluation. Notamment à l’issue de l’entretien. Mais pas que.

Malheureusement, ça a de lourdes conséquences. Le feeling dans l’évaluation c’est ce qui amène à succomber à tous nos biais cognitifs. D’ailleurs, ces mots sont presque des synonymes : le feeling EST la somme de nos biais. Le sujet est abordé à merveille dans le livre Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée (Thinking Fast and Slow).

Le feeling c’est ce que l’auteur appelle Fast Thinking. Ce n’est pas de la magie : on peut décortiquer les mécanismes de l’intuition. On peut même apprendre à ne pas l’écouter quand ce n’est pas bénéfique.


En l’occurrence, utiliser son intuition, son feeling pour évaluer quelqu’un nous conduit nécessairement à des résultats injustes. Et le pire c’est qu’il est impossible de s’en rendre compte par soi-même. Donc il est très certain qu’en me lisant vous vous disiez que c’est faux. Ou alors que c’est vrai pour tout le monde sauf pour vous.

Voilà pourquoi c’est si compliqué de mettre en pause son intuition : elle ne nous laisse pas faire. Pire : elle ne nous laisse pas voir pourquoi il faut le faire.
Mais c’est bien de l’intuition que provient l’essentiel des discriminations. On en a déjà parlé ici.

Notre instinct a donc cet incroyable atout d’être une protection contre les dangers. Il va plus vite que le raisonnement conscient et heureusement. Car il est des situations où il vaut mieux courir parce que tout le monde court, sans comprendre pourquoi.

Quand on doit faire un choix important : embaucher quelqu’un ou lui louer un logement, notre instinct démarre donc sur les chapeaux de roue. Après tout, c’est son rôle.Là, il y a deux options : soit j’ai une méthode rationnelle à laquelle je me fie, soit j’en ai pas. Or, dans l’immense majorité des cas, la personne qui prend la décision n’a pas une telle méthode.

Sans méthode d’évaluation on s’en remet à son instinct, et c’est bien cet instinct qui va discriminer. Inconsciemment.

Je suis convaincu que si j’arrivais devant une agence, que je montrais dans la boule de cristal que j’allais bien payer tous mes loyers en temps et en heure pendant 5, 10, 15 ans et que je rendrai l’appartement dans un état nickel… la discrimination s’effondrerait.

La plupart des gens me diraient okay, même s’ils ont des préjugés. Car ils auraient la preuve que leur préjugé ne prédit pas l’avenir dans ce cas.
D’ailleurs, n’est-ce pas pour ça qu’on vit moins de discrimination sur Airbnb ? Parce que les gens ont la garantie que la plateforme va les indemniser en cas de problème.

Idem dans le recrutement : si on avait une boule de cristal qui démontrait quelle personne performerait le mieux à un poste, ce serait également la fin d’une grande partie de la discrimination. Elle diminuerait car elle aurait moins de raison d’être.

On ne peut pas avoir de boule de cristal, mais justement : la meilleure manière d’améliorer sa prédiction de l’avenir est d’abord d’accepter qu’il est largement imprévisible.


D’autre part, nous avons la fâcheuse tendance à faire preuve de froideur dans les phases de séduction. En effet, quand on écrit des annonces ou des messages d’approche on le fait avec une telle prudence, une telle distance (et au fond une telle peur) qu’on finit par écrire des choses très froides, quasiment illisibles.
Du type :

Pour ce poste, vous justifiez d'une première expérience opérationnelle en Ressources Humaines.

Vous maîtrisez les logiciels du Pack Office, et plus particulièrement Excel, Outlook, Word.

Intervenant dans un environnement international, vous êtes en capacité de comprendre des documents techniques en anglais.

Rigoureux(se), vous êtes reconnu(e) pour vos capacités d'analyse et de synthèse. Pour cette alternance, vous faites également preuve de discrétion, de flexibilité, d'un bon relationnel et d'ouverture d'esprit.

Vous souhaitez en parallèle de vos apprentissages théoriques, les mettre en pratique immédiatement en entreprise, merci de nous transmettre vos CV et lettre de motivation

Mais le pire ce sont les présentations d’entreprise :

Les 529 adhérents XXXXX exploitant 662 magasins indépendants en France, emploient 125.000 salariés. L’enseigne XXXXX a réalisé un chiffre d’affaires de 43,4 milliards d'euros en 2016 et est le leader de la distribution française avec une part de marché de 20,4 %.

Faire partie de l'enseigne XXXXX, c'est intégrer une fédération d'entreprises dynamiques, en croissance et qui se démarquent autant par leur mode de fonctionnement que par leur capacité à innover et à bouleverser les idées reçues.
Qui ça enthousiasme de savoir que l’entreprise fait 43,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires ?


Peut-on faire plus froid que ça ? Malheureusement c’est la description de l’immense majorité des annonces.

Il en va de même avec les messages d’approche. On écrit des choses du type :

Bonjour,

J’ai pu identifier votre CV sur Monster et je me demandais si vous êtes toujours à l’écoute du marché ? Je pense que XXXX pourrait être un joli terrain de jeu pour vous compte tenu des missions innovantes et variées que nous proposons.

Aujourd’hui nous sommes à la recherche d’un profil de développeur Java/JEE.

Seriez-vous intéressé pour en discuter avec moi ?

Dans l’attente de votre retour,

Je vous souhaite une excellente journée

Cordialement,

Pareil… qui peut s’enthousiasmer en recevant un tel message ? Pourquoi écrire avec autant de langue de bois, autant de flou ? Qu’est-ce que ça veut dire des missions variées et innovantes ? Pourquoi on ne me donne pas au moins quelques exemples ?

Développeur Java ? Peut-on faire plus vague ? Il y a dix façons différentes d’être développeur java. De la même manière qu’il y a dix façons différentes d’être recruteur ou recruteuse. Le périmètre d’une consultante en recrutement dans un cabinet sera très différent de celui d’un chargé de recrutement dans un groupe industriel.

Pourquoi écrivons-nous de manière si froide au moment même où il faudrait faire preuve de chaleur ? Pourquoi on se coupe subitement du fameux feeling ?


Mon hypothèse c’est qu’on a peur parce qu’on sait qu’on écrit en public. Alors on se réfugie dans cette neutralité pour ne pas se mouiller. De même, on se permet d'être dans l’instinct quand on rend le verdict de l’entretien parce que personne ne nous voit. D’ailleurs, si nous n’avions pas le choix que de faire un retour honnête à chaque décision d’entretien, probablement qu’on s’y prendrait autrement.

Si le process d’évaluation était filmé et retransmis on ferait autrement.

On n’oserait pas se contenter de je le sens pas ou, pire encore, d’accepter les consignes discriminantes d’un manager.

Au final, on se retrouve donc avec le pire des deux mondes. On laisse le feeling l’intuition, faire des dégâts dans l’évaluation et le détachement faire des dégâts dans la séduction.

Là où ça marche sur la tête c’est quand on s’intéresse à l’expérience des candidat·es. La plupart se retrouvent à commencer la relation avec l’entreprise en se heurtant à un mur de froideur. Personne ne leur répond, ils lisent des annonces sans saveur…

Puis, d’un coup tout bascule : les personnes se retrouvent en entretien et d’un coup c’est “la chaleur”. Ce qui crée d’ailleurs une sensation encore plus violente quand ça finit par un refus, surtout si le refus est lui-même émotionnel du type : vous manquez de savoir-être.

Sachant ça, ne pourrait-on pas chercher à avoir le meilleur des deux mondes ? En inversant.

Une évaluation plus froide



Commençons par l’évaluation : c’est le moment où nos biais vont jouer à fond pour nous amener à des injustices. Il est donc de notre devoir éthique d’essayer de les limiter.

En tant que société, on a vite compris le danger d’injustice que renferme l’intuition. C’est pour ça que dans le système judiciaire on utilise une méthode “froide” pour juger. Ce froid permet de nous protéger des dégâts d’injustice que peut occasionner le feeling. Dans un sens comme dans l’autre d’ailleurs. Un feeling positif peut faire libérer un coupable. Un feeling négatif peut faire condamner un innocent.

Or, dans le recrutement, la seule méthode efficace connue des sciences sociales au moment où j’écris s’appelle l’entretien structuré.

D’ailleurs, elle a été mise au point par l’auteur de Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée quand il était un jeune psychologue chargé de mettre au point le process de recrutement de l’armée israélienne, état nouvellement créé.

En 1955, alors qu'âgé de vingt et un ans, j'étais lieutenant dans l'armée israélienne, on m'a demandé de mettre au point un système d'entretiens de recrutement valables pour l'ensemble des forces armées. Si vous vous demandez pourquoi une telle responsabilité a pu être imposée à quelqu'un de si jeune, n'oubliez pas qu'alors l'État d'Israël lui-même n'avait que sept ans. Toutes ses institutions étaient en chantier, et il fallait bien que quelqu'un les bâtisse. Aussi bizarre que cela puisse paraître aujourd'hui, l'option psychologie que j'avais choisie faisait probablement de moi le psychologue le mieux formé de l'armée.
Il existait déjà une procédure de routine pour les entretiens quand on m'a confié cette mission. Chaque soldat appelé dans l'armée passait une batterie de tests psychométriques, et chaque homme considéré comme apte au combat était interrogé pour que l'on juge de sa personnalité. Le but était d'attribuer à chacun une note d'aptitude générale au combat et de trouver quel corps lui correspondait le mieux : l'infanterie, l'artillerie, les blindés, etc. Les interrogateurs étaient eux-mêmes de jeunes appelés, choisis en fonction de leur grande intelligence et de leur intérêt pour le relationnel.

(…)

Malheureusement, des évaluations de contrôle avaient déjà montré que cette procédure était presque inutile lorsqu'il s'agissait de prédire la réussite future des recrues. Je reçus l'ordre de mettre au point un système d'entretiens plus fiable, mais qui ne prendrait pas plus de temps. On me demanda également de le tester et d'évaluer son efficacité.

En s’appuyant sur les recherches, l’auteur va alors décliner les fondamentaux de la méthode de l’entretien structuré. Le nom est, à ce titre, trompeur. On a tendance à retenir qu’il faut une trame de questions, ce qui est vrai mais n’est pas l’essentiel.


L’essentiel est de diviser la décision en plusieurs sous-décisions indépendantes (les critères) pour ne pas laisser l’intuition nous déborder :

Ce qu'il y a à retenir dans ce chapitre ne sert pas seulement au recrutement de candidats pour l'armée. La mise en œuvre de procédures d'entretien dans l'esprit de Meehl et Dawes n'est pas très compliquée, mais nécessite de la discipline. Supposons qu'il vous faille engager un commercial pour votre entreprise. Si vous tenez sérieusement à recruter le meilleur candidat possible pour ce poste, voici ce qu'il faut faire.

Pour commencer, sélectionnez quelques caractéristiques préalables à la réussite à ce poste (compétences techniques, personnalité engageante, fiabilité, etc.).
N'en faites pas trop – six est un bon chiffre.

Ces caractéristiques doivent, autant que possible, être indépendantes les unes des autres, et vous devez avoir le sentiment que vous pouvez les évaluer de façon fiable en posant simplement quelques questions factuelles. Ensuite, dressez la liste de ces questions pour chaque caractéristique et imaginez comment vous allez les noter, disons sur une échelle de 1 à 5.

Ayez une idée de ce qui, pour vous, sera « très faible » ou « très fort ». Ces préparatifs devraient vous prendre à peu près une demi-heure, soit un investissement modeste pour faire la différence en termes de qualité de recrutement.

Pour éviter les effets de halo, vous devez rassembler les informations pour une caractéristique après l'autre, et consigner vos notes avant de passer à la suivante. Ne vous éparpillez pas. Pour évaluer chaque candidat, additionnez les six notes. Étant responsable de la décision finale, vous ne devriez pas « fermer les yeux ». Décidez fermement d'embaucher le candidat dont le score final sera le plus élevé, même si votre préférence va à un autre – résistez à votre envie d'inventer des jambes cassées pour modifier le classement.

À en juger par les nombreuses recherches entreprises dans ce domaine, vous avez plus de chances de trouver le meilleur candidat en ayant recours à cette procédure qu'à la procédure habituelle dans ce genre de situation, c'est-à-dire se lancer dans l'entretien sans préparation et faire son choix d'après un jugement intuitif d'ensemble, type : « J'ai regardé dans ses yeux et ce que j'y ai vu m'a plu. »

La méthode de l’entretien structurée est plus étoffée que ça mais c’est déjà un bon résumé de l’essentiel. L’idée qu’on va juger chaque critère l’un après l’autre plutôt que de rendre un verdict général dominé par l’intuition.

Une séduction chaude


À l’inverse, on a tout à gagner à introduire du feeling dans la séduction. Là encore, les sciences sociales livrent une piste : les annonces qui font l’effort de dire ce que l’on propose aux candidat·es et non uniquement ce qu’on attend fonctionnent mieux.

Les organisations qui recrutent veulent avoir plus de candidatures et la condition N-S (celle où on dit ce que les gens peuvent attendre de nous, ndlr) a produit 13,62% de candidatures en plus que la condition D-A (celle où on fait uniquement la liste de ce qu’on attend des profils, ndlr) à niveau de vues égal.

Mais les organisations qui recrutent sont généralement plus intéressée par le fait de recruter des candidat·es de haute qualité, et de ce point de vue, les effets trouvés dans cette étude sont effectivement significatifs : la proportion de candidatures bien notées (par les managers, ndlr) dans la condition N-S a été en moyenne trois fois plus élevée que dans la condition D-A (celle où on fait uniquement la liste de nos exigences, ndlr)

Étant donné le faible coût et la facilité relative avec laquelle une offre d’emploi peut être écrite de manière à présenter l’information N-S (c’est-à-dire en faisant l’effort de dire ce que les gens gagnent à nous rejoindre) d’une manière qui est attrayante pour les candidat·es, nos résultats suggèrent que cela peut créer un retour sur investissement substantiel. Grâce à la fois à la quantité et la qualité des candidatures générées en comparaison.

Du même coup, nous suggérons que mettre l’accent sur ces informations va augmenter la performance du process de sélection de l’organisation et, in fine, avoir le potentiel d’augmenter la performance grâce au recrutement d’employé·es qui auront une meilleure performance.

En d’autres termes : nous avons tout intérêt à introduire de l’empathie dans nos annonces. Le simple fait de faire l’effort de présenter ce qu’on peut offrir va multiplier nos performances. Et quand on dit “offrir” on ne parle pas (seulement) d’avantages financiers. On parle de tout ce qui fait qu’une personne va trouver chez nous de quoi s’épanouir et progresser professionnellement.


En ce qui concerne les messages d’approche, je n’ai pas trouvé d’études des sciences sociales sur le sujet. Je ne peux donc que donner mon retour d’expérience : les messages avec un peu d’empathie fonctionnent mieux que les messages bateaux.

Surtout quand il s’agit de message à froid, non sollicité. La première chose à faire est de créer une relation, une connexion. On n’a pas le mot en français pour dire ce que les anglo-saxons appellent rapport (ce qui est ironique puisque c’est un mot qu’ils ont emprunté au français). Voilà la première définition que je trouve sur Google :

“Rapport is a harmonious relationship between people who have established mutual trust. Building rapport is how humans connect, identify shared feelings, and establish two-way communication. Rapport develops out of meaningful conversations and a willingness to embrace different points of view.”
En résumé : c’est le fluide qui permet les conversations. D’ailleurs on pourrait le traduire par le feeling.

Or, quand deux personnes ne se connaissent pas, elles ont besoin de d’abord construire ce minimum de feeling pour discuter dans des conditions optimales, qu’il s’agisse d’une relation de vente, de soirée ou de recrutement.

D’ailleurs, c’est quand même étonnant : les personnes qui disent qu’elles tiennent à utiliser leur feeling dans le recrutement sont les mêmes qui écrivent les messages froids. Comment ça se fait ? Les personnes qui disent le plus facilement qu’elles sont dans le recrutement pour “l’humain”, écrivent les messages les plus robotiques.

Robot dans l’évaluation, Instinct dans la séduction



On l’a compris à ce stade : je prône l’inversion de notre posture habituelle. C’est-à-dire qu’au lieu d’écrire des messages d’approche et des annonces comme des robots, on réserve cette posture à l’évaluation. Et au lieu de faire jouer le feeling dans l’évaluation, on le réserve pour les approches et annonce.

D’ailleurs, je suis un peu injuste avec les robots puisque parmi les meilleurs messages d’approche qu’il m’ait été donné de lire, certains ont été écrits par des robots. Parce que, justement, on écrit si froidement que même les robots savent faire mieux.


Au final, ce serait quand même plus logique dans l’ordre. On commence par la séduction, le feeling… et plus ça avance plus on s’en détache pour juger.

L’expérience candidat n’en est que meilleure. Au début on me “drague” pour me mettre en confiance et diminuer le stress. Et, accessoirement ne pas briser mon estime de soi quand je me heurte au fait que personne ne répond à mes candidatures, ou alors froidement. Puis, ensuite, on me juge froidement sur mes compétences (qu’elles soit métiers ou cognitives).

Bien entendu, pour cet article j’ai schématisé. Mais en vérité, toutes les étapes du recrutement sont soumises à un dosage permanent entre la force d’évaluation et de séduction. Par exemple, même dans une préqualification téléphonique on va avoir une petite dose de séduction. Il n’y a pas vraiment de phase avec 100% d’évaluation ou 100% de séduction. D’autant plus qu’une bonne évaluation EST séduisante. Ce n’est pas pour rien si les candidat·es plébiscitent les entretiens structurés en disant qu’ils ont la sensation d’avoir été dans un process beaucoup plus juste.

Et, surtout, j’ai passé sous silence un élément essentiel : à la fin il faut réenclencher la séduction. En effet, si on commence par la séduction “chaude” puis on finit par l’évaluation “froide”, on va avoir un souci pour convertir la personne en salariée. Il faut basculer une dernière fois : lors de l’offre finale. Quand on signe le contrat.
D’ailleurs, continuer à entretenir la flamme est crucial car beaucoup de personnes vont se désister entre la signature du contrat et le premier jour. Mais c’est un autre sujet…

En définitive, je pense que le débat entre feeling ou pas dans le recrutement est un faux débat. Je le dis d’autant plus que j’en ai moi-même fait partie. Mais je me rends compte qu’en réalité il n’existe personne qui soit pro-feeling ou anti-feeling. Ce qui existe c’est un débat sur l’ordre et le dosage. Faut il augmenter le feeling dans l’évaluation et le diminuer dans la séduction (ce qui est fait généralement) ?

Ou bien faut-il, comme je le pense, augmenter le feeling dans la séduction et le diminuer dans l’évaluation ?

En tout cas, si tu veux te former aux entretiens structurés, tu peux le faire avec nous :)

👉 Prends RDV ICI


-----------------------------
Mes sources :
Thinking Fast and Slow
https://www.dropbox.com/s/n4gt40aw3rrtq74/-4436877201629514028schmidtchapmanandjones2015.pdf?dl=0




Les commentaires