"Je ne suis pas à l'écoute du marché" : la vraie signification
« Je ne suis pas à l’écoute du marché ». C’est une des réponses les plus classiques que l’on obtient quand on approche des profils. Mais qu’est-ce que cette phrase peut bien vouloir dire vraiment ? (Spoiler : c’est un mensonge de politesse).
Ce qu’on pense que ça dit
Quand on lit « je ne suis pas à l’écoute du marché » on se dit que la personne n’est pas en recherche d’emploi actuellement. Parce qu’elle est bien là où elle est.
L’idée sous-jacente c’est qu’une recherche d’emploi est un processus forcément binaire : je suis en recherche ou je ne suis pas en recherche. « À l’écoute du marché » cela veut dire qu’une personne est prête à écouter des propositions d’emploi.
Mais du coup, cela voudrait dire qu’il existe des gens qui ne sont pas à l’écoute du marché ? Des personnes qui sont tellement comblées par leur position actuelle qu’elles ne veulent même pas écouter ce qu’on propose ? Ça doit exister mais il n’y en a clairement pas autant que de personnes qui le prétendent.
Ce que ça dit vraiment
Combien de personnes sont-elles vraiment indéboulonnables ? Très peu. La bonne proposition de salaire, dans la bonne entreprise, sur la bonne mission, dans le bon lieu avec la bonne équipe fera bouger n’importe qui.
Sauf à considérer que l’on doit fidélité éternelle à son employeur. Ce qui veut dire que, dans les faits, la quasi-unanimité des gens sont potentiellement à l’écoute du marché.
En fait, ce qu’on veut vraiment dire quand on dit « je ne suis pas à l’écoute du marché » c’est « ce que vous venez d’écrire/de dire ne me semble pas intéressant ». La différence est énorme. Il ne faut en aucun cas être dupe de ce type de politesse. C’est comme la phrase cliché de rupture « c’est pas toi, c’est moi ». Plus personne n’est dupe. Il devrait en être autant pour « je ne suis pas à l’écoute du marché ».
En tant que recruteur, il est capital d’avoir en tête que cette phrase est une manière expéditive de se débarrasser de vous sans vous expliquer ce qui n’allait pas dans votre approche.
Que faire ?
Au lieu de vous dire que c’est le « candidat » qui n’est pas à l’écoute, partez du principe que c’est vous qui n’avez pas su l’intéresser. Évidemment, une fois que vous êtes devant le fait accompli, il n’y a pas non plus grand chose à faire. Si vous en arrivez là c’est que l’approche n’était pas la bonne. Ou en tout cas c’est le réflexe mental le plus sain à avoir. Il s’agit d’analyser ce qui a manqué. D’ailleurs, qui de mieux placé que le « candidat » pour vous donner une idée ?
Vous pouvez par exemple tenter un rebond avec une pointe d’humour :
« Qu’entendez-vous précisément par ‘je ne suis pas à l’écoute du marché’ ? Si je vous propose le double de votre salaire pour travailler chez Google en Australie, vous diriez non ? »
(À vous de choisir évidemment la meilleure combinaison entreprise/lieu en fonction du profil du « candidat »).
Et généralement les langues se délient. Mieux encore, parfois la barrière tombe immédiatement et vous réalisez qu’en fait c’est uniquement une phrase réflexe pour faire le tri entre les recruteurs motivés et ceux qui arrosent tout le web de messages non-ciblés. Le plus souvent, vous gagnerez une explication plus précise de pourquoi votre message ne l’intéressait pas. Ce qui vous permet ensuite de l’améliorer pour le prochain essai.
L’autre avantage à répondre à cette phrase c’est que, mine de rien, vous êtes en train d’instaurer un dialogue qui sera mémorable. Si vous ne répondez pas, il n’y a pas d’échange et vous n’aurez aucun avantage dans le futur si vous voulez relancer. Alors que si vous engagez une conversation polie, votre interlocuteur s’en rappellera . Quand vous le relancerez dans 3 ou 6 mois, vous aurez déjà son attention.
Enfin, vous serez capable de comprendre dans quelle catégorie s’inscrit votre interlocuteur. Il y a une différence majeure d’intérêt entre quelqu’un qui vous répondra qu’il vient de changer d’entreprise (ou de ville) et qu’il ne se sent pas encore d’attaque pour bouger à nouveau et quelqu’un qui vous répond qu’il a trouvé le job de ses rêves et qu’il gagne plus que ce que vous pourrez jamais lui proposer. Le premier rentrera dans votre vivier de contacts intéressants à moyen terme. Probablement pas le second. Alors que, pourtant, les deux ont répondu exactement la même chose. Donc si on s’était arrêté à la première réponse on serait incapable de les qualifier correctement.
Conclusion
Après avoir investi du temps dans l’identification d’un profil, puis la rédaction d’un message c’est quand même dommage de ne pas en retirer au moins une information intéressante.
Par ailleurs, « je ne suis pas à l’écoute du marché » est une réponse qui doit à chaque fois nous faire réfléchir sur notre approche. Elle mérite d’être quasiment systématiquement approfondie. D’ailleurs vous remarquerez que plus vous écrivez un message personnalisé et moins on vous répond ce genre de phrase bateau. Comme souvent : votre interlocuteur investit dans sa réponse un temps proportionnel au temps que vous avez vous-même investi !
Bon sourcing !
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