NCDR Paris : résumé de ma journée sur les 1716 possibles
Je viens de me réveiller après une si longue journée. En effet, hier, j’étais à la #NCDR Paris (anciennement #TruParis). Et, comme je suis dans l’équipe organisatrice, je me suis levé à 06h45 pour pouvoir être à temps dans les préparatifs.
Une occasion pour moi de me rappeler que je mène une vie de bobo parisien. Puisque je ne savais pas qu’il y avait autant de gens dans le métro à 07h10. Déjà parce que je ne le prends quasiment plus. Si je ne peux pas aller dans un endroit en vélib je n’y vais pas. Ensuite parce que je ne suis jamais levé à cette heure-ci.
Je pourrais faire tout un article sur ma métamorphose sociale (en Guadeloupe je me levais tous les jours à 06h30 sans le moindre problème). Mais ce n’est évidemment pas de ça dont je vais te parler maintenant.
Je vais plutôt te raconter comment j’ai vécu ma #NCDR Paris en tant que participant. Je te passe donc la partie préparatifs et on commence direct par les sessions.
Bien entendu, ça ne reflètera pas fidèlement l’événement puisqu’il y avait 8 sessions en simultanée sur 6 tranches horaires. Ne pouvant me dédoubler, j’en ai vu 8 sur les 48. Ce n’est donc que 12,5%. Et encore… je vais te raconter ce dont je me rappelle avec mon interprétation et mes notes.
Au final, il y avait 1716 parcours possibles !
1716…
Ça veut dire qu’il est peu probable que deux personnes parmi les 220 aient choisi les mêmes 6 sujets.
Mon parcours est donc un parcours parmi les 1716 qui étaient possibles. C’est ça la beauté (et la frustration) d’une #NCDR.
09h00 : arrivée des participant·es et introduction
Je suis animé d’un sentiment particulier. Parce que, covid oblige, trois ans se sont écoulés depuis la dernière édition. C’était une sensation indescriptible de ressentir cette ambiance. Quelque chose qu’on ne retrouve pas dans une conférence par exemple.
Attention, j’adore les conférences. Et j’ai adoré notre événement de juin : #LCDR.
Sauf la partie où j’étais tellement mort de stress avant de monter sur scène que mon corps ne voulait plus m’obéir.
Mais c’est incomparable. Dans une #NCDR (une non-conférence donc) on ressent l’excitation et l’énergie des gens qui sont venus pour participer, pour apporter quelque chose. Cet effet magique est la marque des procédures démocratiques. Ceux et celles qui ont déjà participé à un juré d’assises le ressentent (au-delà de la pression) : la sensation exaltante de l’empouvoirement. L’inverse de l’infantilisation.
J’entends ici par démocratie la philosophie consistant à se dire que chaque personne peut avoir une contribution importante, même si elle n’est pas experte. Du coup, elle a une voix égale aux autres.
Une conférence n’est pas démocratique : on assume qu’une personne vienne en position d’expertise. Ici, c’est l’inverse : les modérateurs ont pour mission d’éviter que ça se produise. Que chaque voix puisse compter.
09h45 : La motivation, c’est un bon critère de recrutement ?
Me voici donc dans ma première session. J’y suis attiré parce que j’ai écrit un article sur le sujet :
Pourquoi il ne faut pas recruter sur la “motivation” ?
Avec le recul, je regrette. Aurélien, mon collègue a été dans une session où j’aurais appris plein de choses. Là j’y vais parce que je n’arrive pas à lâcher prise, à accepter l’idée qu’il se dise “n’importe quoi”.
Là où Aurélien fait l’inverse : il va dans les sessions où il se dit qu’il va apprendre. C’est une bien meilleure idée. Mais que voulez-vous, le lâcher prise n’est pas donné à tout le monde.
Et, effectivement, dans ma session on arrive vite à des propos qui me révoltent mais que je connais par coeur. Notamment l’idée que pour recruter un “génération Z” (notons la formulation déshumanisante) il faille lui donner du sens au travail (les mêmes clichés que la génération Y du coup). On bascule vite sur l’idée que les jeunes sont des feignasses. Même si c’est mieux dit.
En gros, les gens qu’il faudrait le plus motiver ce seraient ceux de la génération Z. Parce qu’un jeune ça va sur TikTok et ça arrive en retard.
Heureusement, on n’a pas parlé que de ça. Plusieurs personnes ont décrit le fait que la motivation est un processus évolutif.
Une autre a souligné que c’était bizarre de dire la motivation comme si c’était un absolu alors que, selon elle, la motivation existe chez tout le monde et elle se révèle dans l’endroit adéquat. Travailler dans une grand banque ça motivera des personnes mais pas d’autres. Les personnes que ça ne motive pas ne sont pas des personnes “non motivées” dans l’absolu. C’est contextuel.
On a également abordé la question du salaire et du lieu. Une participante disait qu’elle était gênée quand les gens affichaient une motivation d’abord sur ça. J’ai répondu que c’était comme la pyramide de Maslow : si une personne n’a pas couvert ses besoins de motivation primaires (lieu, argent, périmètre du poste, conditions de travail) elle ne va pas se préoccuper du reste. Se préoccuper de “l’épanouissement” ou du “sens” est un privilège de personnes qui savent qu’elle auront la base.
Ce qui rend d’ailleurs vraiment totalement inopérant le concept de génération Z. Un jeune cadre parisien de 22 ans est plus proche d’un cadre parisien de 60 ans que d’un jeune fermier dans la creuse. Ou même d’un jeune caissier parisien.
Qui peut vraiment croire qu’un jeune de 22 ans sans diplôme va s’intéresser davantage au sens de la mission qu’au lieu de travail et le salaire vues les perspectives que le marché du travail lui propose ? Par exemple caissier.
Enfin, j’ai posé la question du paradoxe que je sentais dans les interventions. C’est-à-dire que certaines personnes étaient gênées que les candidat·es soient motivé·es par des éléments saillants. Par exemple un salaire au-dessus du marché ou une possibilité accrue de faire du télétravail.
Mais… du coup… pourquoi on s’embête à proposer des choses attractives si c’est pour condamner les personnes que ça attire ? C’est un peu bizarre, c’est un peu comme si on voulait que les gens le pensent mais ne nous le disent pas.
Mention spéciale à une phrase que j’ai aimée de Noélie Baron : quand je leur envoie, je préfère parler de questionnaire de personnalité plutôt que de test : car il n’y a pas de bonne réponse
10h45 : Peut-on vraiment éradiquer l’intuition dans le recrutement ?
On dit souvent que dans les #NCDR faut pas hésiter à s’asseoir par terre. Et bah là c’était l’illustration parfaite. Ce sujet était plein à craquer.
Là encore, je vais à ce sujet parce que ça me tient trop à coeur d’éradiquer l’intuition dans le recrutement. Je pense qu’elle est la matrice des discriminations. Mais du coup j’ai tellement lu dessus qu’il est improbable que j’apprenne quelque chose.
On part vite sur un débat entre les personnes qui proclament la nécessité d’un entretien structuré, et les autres qui n’osent pas forcément dire qu’elles font des entretiens au feeling.
Une phrase est revenue plusieurs fois et elle m’a dérangé : c’est la faute des managers. Je trouve que c’est trop facile. On voit toujours les biais des autres, la discrimination inconsciente des autres, mais jamais la sienne.
Il y a quelque chose de contre-productif parce que tout le monde se dit ça. C’est comme pour le racisme : personne ne se dit je suis raciste. En revanche tout le monde sait dire ah non ça par contre c’est raciste. En parlant d’une autre personne. Parce qu’elle est au-dessus de la limite de ce qu’on accepte. Mais du coup c’est super dur d’avancer. C’est comme l’alcoolisme : si c’est toujours les autres les alcooliques, ça devient impossible de travailler sur sa propre consommation d’alcool.
Heureusement, on a vite recadré à chaque fois pour parler de nous. Une personne a expliqué que tout son combat consistait à essayer d’invalider sa première impression. Car on sait qu’on a tendance à juger une personne sur la première impression puis ensuite à la confirmer.
Tanit Blangi a aussi apporté un point important : si le brief est très bien fait alors il est plus simple d’utiliser une intuition légitime. Ce n’est pas juste je le sens pas. C’est au regard des critères précis qu’on m’a donné, je sens qu’un truc ne va pas, notamment sur ce critère-ci.
À l’inverse, plus le brief est vague et plus l’intuition va être dangereuse car on se raccroche au feeling pur : les personnalités socialement désirables.
Enfin, il y a eu l’éternel débat sur le clonage. Je pense qu’il faut cloner. Simplement il ne faut pas cloner une démographie ou des critères injustes. Un participant m’a objecté qu’il ne pouvait pas cloner car il recrute des recruteur et des recruteuses.
Or, il veut des personnes capable de remettre en question les process. Ce qui n’est pas possible si ce sont des clones. J’ai alors répondu :
Bah, ça veut bien dire que tu essaies de cloner la variable “remise en question” : tu cherches à avoir des gens qui partagent ce critère.
11H55 : Jusqu’où peut-on aller dans l’expression de son opinion sur LinkedIn ?
Cette fois j’ai choisi le sujet par peur de trop m’énerver sur ce sujet :Pour ou contre les quotas pour aller vers plus d’inclusion ?
Ça me touche trop sur le plan personnel.
Alors je vais dans la session sur LinkedIn. Mais je regrette… LinkedIn m’ennuie depuis 2 ans. Un peu comme Facebook. Du coup… les discussions m’ennuient aussi (mais ce n’est pas la faute des participant·es ou des modérateurs).
Mention spéciale au mécanisme de répartition de la parole. Je pense qu’il n’était malheureusement pas du tout adapté à l’événement car on veut justement créer de l’énergie, du débat. Mais je vais le garder pour essayer de l’appliquer dans une réunion. En gros, Antoine Chauffrut a proposé que chaque personne lève la main avant de s’exprimer.
Jusque là, tout le monde connaît ce mécanisme. Mais la particularité c’est que la première personne lève un doigt, la deuxième deux, la troisième trois. Et ensuite quand la première prend la parole elle baisse la main, et la deuxième baisse un doigt. De telle sorte qu’on sache en permanence l’état de la file d’attente.
Ça fonctionnait mal ici car vu que ce sont des débats, ça a tendance à empêcher les réponses. Du coup ça faisait des enchaînements de tunnels.
Je repars quand même avec la constatation que beaucoup de gens ont peur de s’exprimer sur LinkedIn par peur de la violence du jugement ou des commentaires. C’est pour moi le grand échec de ce que LinkedIn est devenu. Leur algorithme favorise des contenus qui génèrent des commentaires. Du coup soit on dit des choses dans le vide, soit on dit des choses qui font des commentaires. Mais, en plus de ça, ils ne font aucun effort pour protéger la personne qui poste. Donc on peut vite se retrouver sous une avalanche de critiques. Parfois sur le physique. Et le système de modération fonctionne très mal.
12h50 : Déjeuner
Pendant le déjeuner j’ai fait deux mises en relation. Un participant voulait parler à un recruteur de Leboncoin. Je lui ai montré qui c’était sur LinkedIn pour qu’il le retrouve.
J’ai également aidé mon élève qui finit son alternance cette semaine : Yanick Boisdur en le présentant aux équipes de Welovedevs. Parce qu’il aimait bien la marque et qu’il voulait savoir s’ils cherchaient à recruter un recruteur.
Et c’est à ce moment que j’ai croisé Aurélien qui m’a raconté les sujets qu’il avait fait et tout ce qu’il avait appris. Parce que, à part le sujet sur le brief, il a choisi des sujets sur lequel il en savait le moins.
14h00 : Sourcing unplugged : quand on coupe internet et le téléphone, il se passe quoi ?
J’écoute donc le conseil d’Aurélien et je commence par Conjuguer automatisation et qualité de recrutement, c’est possible ?
Mais les discussions sont un peu molles et abstraites. Je bouge.
Mickaël Sayad, le modérateur m’a dit qu’effectivement ça avait mis du temps à démarrer mais une fois lancé c’était top.
Si ça se trouve je porte la poisse.
Me voici donc dans sourcing Unplugged et j’arrive au milieu d’une intervention de Jean-Marie Caillaud. Je ne suis donc pas sûr d’avoir compris l’anecdote. Mais voilà ce que j’ai compris :
Un client de l’e-commerce lui a demandé de recruter pour un poste où, pour une raison ou une autre, il fallait une personne allemande qui veut travailler en région parisienne. Il s’est alors demandé où pouvaient se trouver sa cible ? Où va un·e allemand·e qui vient d’arriver dans un pays étranger ?
Peut-être dans un bar allemand ?
Il s’est alors retrouvé à faire la tournées des bars allemands pour sympathiser avec les gérants et avoir l’autorisation d’y placarder une annonce papier.
On a eu ensuite d’autres anecdotes d’autres personnes : la pratique du dîner mensuel pour maintenir le réseau, la cooptation par bouche à oreille, aller dans des conférences métiers…
J’ai alors dit mon inquiétude : j’ai l’impression que beaucoup des techniques sont compliquées pour les personnes introverties.
Ce à quoi David Sankar m’a répondu que, lui, réadaptait en fonction de son caractère. Par exemple s’il va à une conférence métier (meetup) il va attendre de rentrer chez lui pour envoyer un message LinkedIn à la personne speaker. Pour lui dire qu’il n’a pas osé l’aborder à l’événement mais que… etc.
On a ensuite mentionné les pratiques de street sourcing d’Ethypik. Le concept c’est d’aller dans la rue aborder des gens au hasard pour leur parler de recrutement.
“Lorsque le candidat est abordé dans la rue, pour la première fois, une quinzaine de questions lui sont posées. Cela permet d’avoir une première idée du profil de compétences du candidat.”
Ça m’a fait immédiatement penser à ce que faisait Nes & Cité à l’époque où j’ai débuté :
Inverser les rôles en faisant venir les employeurs chez l’habitant, tel est le pari du dispositif Kfé-CV chez l’habitant imaginé par Nes & Cité, cabinet installé à Vaulx-en-Velin qui encourage - à travers la formation, la médiation et l’emploi - les publics en marge des dispositifs d’information et d’orientation à s’inscrire dans une dynamique d’insertion professionnelle.
Le principe de l’opération “Kfé-CV chez l’habitant” est simple: le recruteur va à la rencontre des habitants d’un quartier et leur présente des profils de postes à pourvoir dans un moment d’échange et de convivialité d’une heure et demi à deux heures, chez eux, autour d’un café. Cette démarche a pour but de contourner les processus de recrutement habituels en attirant l’attention sur une personnalité et un potentiel plutôt que sur un CV et un parcours.
Les premiers “Kfé-CV chez l’habitant” ont été menés à Grenoble, Saint- Étienne, Vaulx-en-Velin et ont permis à une trentaine de jeunes issus des quartiers de rencontrer des recruteurs en direct et pour certains de conclure un contrat d’embauche. L'expérience se poursuivra et s’étendra à d’autres sites en 2014
Et du coup j’ai immédiatement vu le point commun : les deux démarches se font sur fond d’inclusion. Pourquoi ? Parce que j’imagine qu’Internet reste un endroit très inégalitaire. On oublie que tout le monde n’est pas connecté au même niveau. Voire que tout le monde n’est pas connecté tout court.
Je n’ai pas les chiffres actuels mais ça a été un réel problème pendant le confinement. J’ai une amie prof en banlieue parisienne qui m’a expliqué qu’elle avait perdu des élèves. Par impossibilité technique. En 2019 on était encore à : “6,8 millions de personnes n'ont pas d'accès à Internet”.
Il y avait dans la salle trois personnes qui avaient connu le recrutement sans Internet. J’ai donc demandé à l’une d’entre elle de me raconter comment elle faisait (ou fait toujours). Elle m’a alors raconté qu’elle avait dû recruter des attachés technico-commerciaux à Aurillac. Il a donc fallu réduire le brief au minimum (si on filtre trop on a personne), sachant qu’on voulait quelqu’un qui avait déjà un réseau à Aurillac. Elle a donc publié des annonces papier, majoritairement dans les commerces.
Enfin, Clément Lemainque nous a fait un retour d’expérience sur une action dont il a été témoin chez Ubisoft. Il s’agissait tout simplement d’une campagne de recrutement dans le métro.
Selon lui, le ROI était suffisamment bon pour que ça soit moins cher que l’équivalent si ça avait été que des cabinets de recrutement. Malgré le coût énorme. Du coup, ça demande évidemment d’avoir de gros besoins de recrutement. Faire ça pour un seul poste n’aurait pas de sens.
https://twitter.com/W_Chloe/status/1178408782138875906
https://twitter.com/W_Chloe/status/1178408782138875906
Là on a la famille “administrative” par exemple :
Là on a deux autres familles :
C’est, de loin, la session où j’ai le plus appris : le conseil d’Aurélien a porté ses fruits.
15h10 : « Ça ne se fait pas » mais c’est efficace ! Ethique vs efficience, que choisir ?
Quand Jennifer m’a demandé ce que je voulais modérer, j’ai répondu :
Donc j’ai été propulsé sur un sujet qui n’était pas forcément ce que je maîtrise. Du coup, le lancement a été un peu laborieux de ma part, mais heureusement mon co-modérateur Jonathan Goldfarb (Franprix) a été bien meilleur que moi et il a lancé le sujet. Je ne me rappelle plus comment.
Comme je modérais, je n’ai pas pu prendre de notes sur cette session donc je fais tout de mémoire.
Le premier sujet vraiment débattu a été le débauchage. Quelqu’un a dit qu’il était interdit de débaucher sur le téléphone de travail. Ce qui est évidemment faux. Mais je ne sais pas pourquoi cette légende urbaine circule depuis que je suis dans le métier.
Certaines personnes pensent même que le débauchage chez la concurrence tout court est interdit. Et qu’il faut forcément appeler un cabinet.
Ça n’a aucun sens, puisque “cabinet” (contrairement à agence d’intérim) n’est pas un statut protégé par la loi. N’importe qui peut se déclarer cabinet. N’importe quelle entreprise peut donc dire qu’elle ouvre une filiale qui est son cabinet de recrutement.
Ensuite, ça contreviendrait directement au principe de libre concurrence justement. Principe sur lequelle l’Union Européenne est extrêmement tatillonne.
C’est donc l’inverse qui est interdit (et pourtant courant) : il est interdit pour les concurrents de s’entendre sur les salaires par exemple.
Ce qui est vrai c’est que la concurrence déloyale est interdite. En matière de débauchage la jurisprudence retient principalement ces cas de figure :
Les situations généralement retenues pour parler de concurrence déloyale sont :
- d’offrir un salaire exceptionnellement élevé ;
- de débaucher un grand nombre de salariés à la fois ;
- de mettre en cause les pratiques et la moralité de l’entreprise ou de ses dirigeants ;
- de détourner la clientèle de l’ancien salarié en emmenant ses clients avec lui ;
- de divulguer des secrets de fabrication et du savoir-faire de l’entreprise par le salarié au profit du nouvel employeur.
(Source : https://www.helloworkplace.fr/comment-debaucher-un-salarie/)
Malheureusement, c’est un exemple de la Loi de Brandolini. C’est-à-dire qu’il faut beaucoup plus de temps pour désamorcer un truc faux que pour dire un truc vrai. Du coup, j’ai crié un peu, j’ai exigé qu’on me montre l’article de loi qui montrerait qu’on ne peut pas débaucher à la concurrence, puis j’ai abandonné pour ne pas monopoliser le débat.
En effet, j’étais modérateur, donc qui allait me modérer ? Je suis donc parvenu tant bien que mal à m’auto-modérer.
Mais on a au moins appris une chose : une partie des recruteurs/recruteuses qui étaient là trouvaient que le débauchage à la concurrence n’était pas éthique. Et ça pour le coup, c’est une notion individuelle. Chaque personne aura un rapport différent à l’éthique.
Ensuite on est venus à d’autres pratiques où il y avait quasiment unanimité. Pour des raisons évidentes je ne vais pas nommer les gens qui les ont partagées, ni rentrer trop dans les détails. Mais en vrac :
- Envoyer un de ses salariés espionner le process de recrutement des concurrents en se faisant passer pour un candidat
- Entretenir une blacklist de personnes qui ont commis des délits dans les entreprises précédentes
- Ignorer la RGPD (d’ailleurs on avait un doute sur la durée de conservation des CV, un débat s’est engagé)
- Cacher un motif de refus discriminant
- Se rendre compte au premier jour de démarrage qu’on a recruté la mauvaise personne parce qu’on s’est trompé de numéro quand on a annoncé le verdict de recrutement. Ne pas lui dire.
16h20 : Jeunes diplômés : comment les séduire sans bullshit ?
À ce moment je suis épuisé de m’être levé à 06h45. Je n’ai pas vu le début, je décompressais dehors. Et même dedans j’ai écouté mollement. Mais j’ai encore eu le droit à la génération Z.
J’ai redit à quel point ce concept ne reposait sur aucune base scientifique. Que les jeunes existent, oui. Mais qu’ils soient massivement différents (et quasiment que en négatif), non.
On dit que la génération Z est plus volatile. Oui, comme tous les jeunes. Quand on est jeune et qu’on a pas d’enfants c’est plus simple de changer de job. C’était déjà vrai en mai 68, c’était déjà vrai quand mon grand père avait 22 ans.
On dit que la génération Z recherche du sens. Oui, comme tous les humains. Candide de Voltaire a été écrit en 1759 et il se conclut exactement sur ça :
Le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin
En fait, le concept des générations vient surtout du fait que les gens oublient au fur et à mesure comment ils étaient, jeunes. Un peu comme les parents qui disent tous qu’ils étaient sages à l’école.
Et le propos qui m’étonne le plus c’est celui de gens de mon âge à moi qui disent les jeunes maintenant ils ont de plus grandes exigences salariales, nous on demandait pas tant.
Ce à quoi j’ai répondu : tu confonds une différence due à ta personnalité et une différence due à la génération. J’ai à peu près le même âge que toi et je n’ai effectivement pas négocié agressivement mon salaire, mais j’ai plein de camarades de classe qui l’ont fait. C’est une question de personnalité avant tout.
On est ensuite revenu à la question centrale : comment séduire sans caricaturer. Et je pense que la réponse est simple : il faut traiter les gens comme nos égaux. Il faut se rappeler que les humains se ressemblent avant d’aller grossir les différences.
Génération Z ou pas, tout le monde veut du respect.
Quelqu’un a dit les jeunes diplômés s’en fichent du salaire.
Ah bon ? (d’ailleurs on notera que c’est le propos inverse de précédemment). Mais qui s’en fiche du salaire ? Que ça ne soit pas le motivateur, d’accord, mais qui s’en fiche ? C’est pas parce que quelqu’un est jeune qu’il n’a pas les aspirations humaines de base.
Beaucoup de propos condescendants comme moi à mon époque on était plus impliqués (sous-entendant encore le fameux les jeunes sont des feignasses) pourraient être évités en se rappelant que ce sont des humains plus proches de nous, que différents de nous.
On a, enfin, traité la deuxième partie de la question : le bullshit.
Et, là, je pense que la solution réside dans le fait de bien se connaître. Le bullshit vient du fait qu’on répète les choses que l’on pense qui font cool. Genre on est à taille humaine (alors qu’on est 4000) ou on a un esprit startup (alors qu’on est une banque).
Il est bien plus efficace d’aller vraiment se poser la question de nos forces. Une banque ne devrait pas essayer de faire cool en singeant. Elle devrait assumer ses forces : la stabilité, un parcours de carrière, etc.
17h10 : coup de sifflet final
Et la fin arrive, brutale, frustrante. L’événement a été conçu pour. Heureusement, on peut continuer la discussion dehors, puis autour d’un verre.
Je retiens de ma journée que je devrais faire davantage l’effort de lâcher prise. Même dans ma vie personnelle : vouloir garder le contrôle le matin m’a fait passer à côté d’occasions d’apprendre. C’est pareil dans ma vie personnelle où j’ai tendance à prendre la main pour proposer les activités. Par peur qu’on sache pas quoi faire.
C’était le moment auto-thérapie.
Sinon je retiens également que j’ai été surpris par le plaisir que j’ai pris de manière générale. J’avais oublié à quel point j’aimais le concept démocratique. Même si on se prend la tête, qu’on lève la voix, au moins on se traite en personnes égales. C’est revigorant.
Et surtout, j’étais rouillé : c’est tout un art d’apprendre à convaincre quand n’importe qui peut vous couper. Quand je suis en formation, je n’ai aucun mal à désamorcer le mythe du débauchage qui serait illégal. C’est prévu dans mon programme. Je commence par une question, je demande qui pense que c’est légal, qui pense que non. Puis je continue avec de la maïeutique. Par exemple en demandant mais le statut de cabinet est protégé par la loi ? Et la salle déjà chemine vers sa conclusion. Puis je partage l’article de loi.
Mais tout le monde m’écoute : je suis formateur donc en position descendante. Là ce n’est pas le cas, j’ai commencé à faire mon topo sur le statut de cabinet, quelqu’un m’a immédiatement coupé (c’est le jeu).
Du coup c’est rafraichissant de réapprendre cette gymnastique.
Enfin… je repars avec cet article, qui est ma manière de faire fructifier mes notes et d’ancrer dans ma mémoire ce que j’ai vu.
Voilà.
C'est fini pour Paris et pour 2022.
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