Comment recruter en cultivant son réseau : le modèle du recruteur agriculteur
Depuis mon arrivée à l’École du Recrutement, j’ai eu l’occasion de rencontrer des centaines de recruteurs et d’échanger sur leurs pratiques et leurs visions de leur métier.
Au fil de mes échanges, j’ai re-découvert une manière de faire du recrutement que je n’avais pas croisé depuis plusieurs années et qui ne ressemble pas aux définitions « classiques » que l’on peut se faire d’un recruteur.
Ni chasseur, ni pêcheur, ces recruteurs du troisième type ont des pratiques que je trouve particulièrement intéressantes et que j’ai voulu vous présenter dans cet article.
Mais avant de vous le présenter, revenons d’abord sur la définition de nos 2 profils de recruteurs historiques : le pêcheur et le chasseur.
Les 2 profils de recruteurs historiques
Le recruteur pêcheur est celui qui va laisser le candidat venir à lui afin de l’hameçonner et de le recruter. Son outil de prédilection est l’offre d’emploi et c’est par ce biais qu’il attire la grande majorité de ses candidats.
Le pêcheur excelle dans les marchés abondants où les candidats ne manquent pas. Il va se différencier par la qualité de son écriture et sa capacité à traiter des grands volumes de candidatures.
Le recruteur chasseur est celui qui va directement chercher les candidats dont il a besoin et qui va les convaincre de rejoindre son entreprise. Son outil de prédilection est la recherche booléenne qui lui permet de dénicher ses candidats potentiels partout sur Linkedin ou Google.
Le chasseur excelle dans les marchés pénuriques où il faut savoir dénicher la perle rare et la convaincre de le rejoindre. Il va se différencier par sa capacité à trouver des profils que personne d’autre ne trouve et son talent de vendeur pour convaincre le candidat d’entrer en processus avec son entreprise.
Un autre profil existe : l’agriculteur
L’agriculteur adopte une mentalité différente. Il emprunte dans sa pratique à la fois au pêcheur et au chasseur.
Au chasseur, il va voler l’idée d’aller au devant des candidats et de se rendre visible. Non pas pour lui proposer un poste, mais pour créer une relation de confiance avec lui.
Pourquoi ? Parce que, comme le pêcheur, l’agriculteur va attendre que ce soit le candidat qui vienne à lui. Son objectif est de devenir l’interlocuteur privilégié de son candidat lorsque celui-ci se mettra en recherche.
La relation de confiance qu’il crée avec ses candidats lui permet d’obtenir des réponses rapides et claires là où d’autres recruteurs sont obligés de partir de zéro.
Le recruteur agriculteur, c’est celui-ci qui se crée, par ses interactions, un vivier de candidats auquel il peut faire appel lorsqu’un besoin de recrutement pertinent se présente.
Comme un agriculteur qui cultive son champ, il prend soin de son vivier et, lorsqu’il estime qu’il est mûr, récolte les profils dont il a besoin.
Les premiers agriculteurs
Ce profil de recruteur n’est pas nouveau. Vous connaissez peut-être déjà un recruteur dans votre entourage qui ressemble à la description que je viens de vous faire (ce recruteur, c’est peut-être même vous 😉)
Historiquement, les meilleurs chasseurs de tête étaient des agriculteurs par excellence. Leur valeur pour un client était directement liée à leur carnet d’adresses et leur capacité à y faire appel dans un laps de temps relativement court.
Pour construire ce carnet d’adresses, ils rencontraient régulièrement des candidats, en entretien ou dans des événements de networking et prenaient soin de prendre régulièrement de leurs nouvelles.
Mon premier manager en cabinet de recrutement était un agriculteur. Je l’ai vu clôturer des postes en 72h. Du brief client à la signature du contrat.
Comment faisait-il pour y arriver ? C’est simple. Il ne prenait que les missions sur lesquelles il était sûr de pouvoir placer un de ses candidats.
Il disait toujours à ses clients : « Si je n’ai pas quelqu’un à te présenter dans les 48h, je ne trouverais probablement personne. »
Mais le recruteur agriculteur d’aujourd’hui n’est plus le chasseur de têtes d’antan. Comme le pêcheur et le chasseur, l’arrivée d’Internet lui a ouvert de nouvelles opportunités et lui a fait évoluer ses pratiques.
À quoi ressemble un recruteur agriculteur aujourd’hui ?
Profil type d’un recruteur agriculteur
Le recruteur agriculteur regroupe 3 grandes compétences : l’expertise d’un secteur/métier, la capacité à créer des relations fortes et la maîtrise de la production de contenus.
Regardons en détail pourquoi ces 3 compétences sont indispensables à la réussite du recruteur agriculteur.
Se spécialiser pour être crédible
La réussite du recruteur agriculteur dépend beaucoup de sa capacité à créer des relations avec son réseau. Pour être crédible auprès de ses contacts et tenir des conversations intéressantes avec eux, le recruteur agriculteur se spécialise sur une niche en particulier.
Il va devenir expert de son métier ou de son secteur de prédilection. En comprendre les codes, le jargon et les tendances.
Pourquoi ? Pour ne pas avoir l’air d’un guignol lorsqu’il échange avec un candidat. Pour lui prouver qu’il a compris son parcours, son expertise et qu’il est même capable d’envisager la prochaine étape de son parcours.
Ses connaissances vont créer chez le candidat une sensation de confiance, voire de confort, dans l’échange. Il va se dire « enfin quelqu’un qui comprend ce que je fais ».
Créer des relations avant tout
La différence majeure entre un recruteur lambda et un recruteur agriculteur ? L’agriculteur vous appelle même s’il n’a pas de poste à vous proposer.
Il cherche à savoir comment vous allez, comment se passe votre vie professionnelle (parfois personnelle) et à comprendre comment vous voyez la suite de votre parcours.
Il veut jouer le rôle du confident, du conseiller. Il n’est pas votre recruteur, il est votre coach de carrière personnel.
Le recruteur agriculteur est passé maître dans l’art de la prise de nouvelles. Il se souvient également précisément de ce dont vous avez parlé la dernière fois que vous avez échangé.
Et c’est parce qu’il vous connaît mieux que les autres recruteurs qui vous parle que vous lui faites confiance lorsqu’il vous dit : « jette un oeil à ce poste, je pense que ça pourrait t’intéresser ».
D’ailleurs, il conserve votre confiance parce qu’il met toujours votre relation au dessus de son intérêt financier personnel. Il ne vous enverra pas sur un poste s’il pense que cela ne vous correspond pas.
Parce qu’il sait que vous dire non aujourd’hui lui laisse la possibilité que vous lui disiez oui demain. Parce qu’il pense que le plus important, c’est de trouver une opportunité qui convient au candidat, pas de remplir le poste à tout prix.
Produire du contenu pour être visible
Dernière corde à l’arc de notre recruteur agriculteur : son talent pour produire et diffuser du contenu qui parle à ses candidats.
Peu importe la forme (articles, podcast, vidéo, emails), le recruteur agriculteur sait se faire connaître sur sa niche en diffusant du contenu.
Il n’a pas nécessairement besoin de le produire lui-même, d’ailleurs. C’est souvent ce que j’appelle « un bon DJ ». Quelqu’un qui sait sélectionner les meilleurs contenus écrits par d’autres et les repartager à un seul endroit pour que les autres en profitent.
Diffuser du contenu permet au recruteur agriculteur d’être découvert par des candidats potentiels. C’est son principal outil pour démontrer son expertise auprès de sa niche et initier des contacts avec les personnes qui interagissent avec ses contenus.
En partant d’un simple like ou d’un commentaire sur un post Linkedin, il saura prendre contact avec la personne et l’intégrer progressivement dans son réseau de contacts.
Les contenus qu’ils diffusent agissent comme porte d’entrée à son activité de networking et lui servent également à créer des points de contact régulière avec les personnes qui font déjà parties de son réseau.
Car, même si vous n’avez pas récemment parlé avec votre recruteur agriculteur, vous avez peut-être partagé un de ses articles ou lu un de ceux qu’il vous avait envoyé.
Maintenant que vous connaissez les 3 compétences clés qui font la réussite des recruteurs agriculteurs, vous vous demandez peut-être si ce mode de fonctionnement est fait pour vous ?
Voici ce que j’ai appris des échanges que j’ai pu avoir avec cette typologique de recruteurs.
Vous devriez devenir agriculteur si…
Vous recrutez souvent les mêmes profils
Un bon recruteur agriculteur est souvent spécialisé sur un métier ou un secteur d’activité en particulier. Si c’est déjà votre cas et que vous avez pu développer une connaissance approfondie sur le sujet, vous avez déjà fait le premier pas pour devenir recruteur agriculteur.
Vous ne traitez pas des volumes de recrutement élevés
Le modèle de l’agriculteur demande un investissement de temps important dans la construction et le maintien de son réseau. Cela sous-entend que vous ne ferez pas nécessairement 200 recrutements dans une année. Mais vous serez en capacité de répondre plus vite que n’importe quel autre recruteur aux besoins qui vous seront transmis.
Vous avez envie de devenir freelance / êtes recruteur en cabinet
Le modèle du recruteur agriculteur se prête particulièrement au modèle de l’agence. Ce modèle vous permet de concilier à la fois les intérêts de votre candidat et ceux de votre client. Si vous souhaitez être recruteur indépendant, votre valeur résidera dans votre capacité à fournir à vos clients des candidats qui répondent parfaitement à leur besoin dans un temps record. Et le réseau que vous vous êtes constitué en adoptant les pratiques du recruteur agriculteur sera votre arme secrète.
Vous avez envie de faire ce métier plus de 5 ans
L’un des points forts du recruteur agriculteur, c’est qu’il a une vision à long-terme du recrutement. Il crée des relations avec des candidats non pas pour les besoins qu’il a maintenant, mais pour ceux qu’il aura éventuellement demain. Si vous pensez rester plus de 5 ans dans le recrutement, le modèle de l’agriculteur peut vous intéresser puisque les relations que vous allez créer avec vos candidats vous permettront de les accompagner à plusieurs moments de leur carrière.
Il n’est pas rare pour un agriculteur de placer un candidat 2 à 3 fois dans des entreprises différentes.
Vous ne vous reconnaissez pas dans ce profil ? Pas d’inquiétude, vous pouvez quand même emprunter quelques techniques des recruteurs agriculteurs qui vous aideront au quotidien à mieux recruter.
3 pratiques à voler aux recruteurs agriculteurs pour vous améliorer
Nous l’avons vu ensemble, le recruteur agriculteur a 3 compétences clés : son expertise, la création de relations et la production de contenu.
Pour chacune de ses compétences, je vous propose une pratique à essayer de mettre en place dès à présent pour vous inspirer de ce modèle.
Approfondir sa connaissance d’un métier
Vous gagnerez toujours à gagner en expertise sur les métiers que vous recrutez. Cela vous permettra d’assoir votre crédibilité auprès de votre candidat mais également auprès du manager avec lequel vous travaillez.
Pour y arriver, prenez un peu de temps pour discuter avec le manager pour lequel vous recrutez. Demandez-lui de vous expliquer ce qu’il fait, pourquoi il le fait et quelles sont les dernières tendances de son métier.
Faire régulièrement ce petit effort de compréhension vous aidera au quotidien dans vos échanges avec vos candidats. Et fera peut-être la différence pour l’un d’entre eux quand il s’agira de vous répondre.
Prendre des nouvelles des Poulidor/de votre ex
Le recruteur agriculteur entretient ses relations en prenant des nouvelles de ses candidats régulièrement. Si vous traitez énormément de volume, vous n’avez pas nécessairement la possibilité de rester en contact avec tous vos candidats. Mais vous pouvez choisir de rester en contact avec certains d’entre eux.
Je conseille souvent de prendre des nouvelles de 2 typologies de candidats : les « Poulidor » et les « ex ».
Le Poulidor c’est ce candidat qui a échoué à la dernière étape du processus et à qui vous avez préféré quelqu’un d’autre. Il était bon, mais pas assez pour être recruté à ce moment-là. Vous avez tout intérêt à rester en contact avec lui puisqu’il correspond a priori à votre besoin et que vous l’avez déjà qualifié. D’ailleurs, si le candidat que vous avez recruté ne fonctionne pas vous aurez déjà préparé le terrain pour le réengager.
L’ex, c’est ce candidat que vous adorez, à qui vous avez fait une offre mais qui finalement a choisi d’accepter l’offre de quelqu’un d’autre. Vous savez qu’il vous convenait parfaitement, mais vous n’avez pas réussi à le convaincre. Rester en contact avec lui vous permettra de vous donner une chance de le reconquérir si jamais sa nouvelle opportunité se déroule moins bien que prévu. Ou de le recruter après qu’il ait réalisé une expérience ailleurs.
Partager du contenu de temps en temps
L’idée ici est de vous rendre visible ponctuellement en parlant de votre métier, de votre quotidien ou de l’actualité des métiers pour lesquels vous recrutez.
Je ne parle pas ici de diffuser vos besoins du moment mais plutôt de raconter ce qu’il se passe actuellement pour vous ou de partager sur un sujet qui vous intéresse.
Votre objectif n’est pas d’obtenir des candidats, mais de montrer qui vous êtes et ce que vous avez à apporter à vos candidats, sans rien leur demander en retour. Que ce soit des conseils, des pensées ou même des vidéos loufoques (comme celles de Shirley Almosni).
Et voilà, vous en savez maintenant plus sur ce recruteur d’un genre nouveau. Alors, est-ce que vous pensez vous lancer dans l’agriculture ? Qu’est-ce que vous pensez de cette vision du recrutement ? Dites-le moi dans les commentaires 👇🏻 ou faites-moi 👋🏻 sur Linkedin.