9 choses que j’ai apprises au SOSU 2023
En 2013, Phil Tusing a créé le Sourcing Summit (SOSU) : des journées de conférences avec des expert·es du sourcing venant du monde entier.
Chaque année à Amsterdam on a donc des centaines de sourceurs et sourceuses qui viennent échanger leurs pratiques.
Fun fact : je trouve ça marrant que Phil ait organisé un des plus grands événements européen du recrutement alors qu’il vit en Australie.
J’ai découvert le SOSU en 2016.
J’ai adoré : pour la première fois je voyais des personnes passionnées de sourcing au même endroit. Quand j’étais recruteur c’était ma partie préférée. Ce que je n’aimais pas c’était faire les entretiens.
Alors que, dans mon quotidien, je voyais surtout des personnes me dire que le sourcing c’est chronophage et que personne n’aimait ça. Je me sentais en décalage.
2023 : ma 7 ème participation.
J’ai beaucoup aimé ce cru. Alors je me suis dit que j’allais te le partager. Bien sûr, je ne peux pas te retranscrire toutes les conférences. Mais quelques bribes.
Voilà 9 choses qui m’ont marqué.
#1 | La relance c’est la vie
Je le savais déjà puisque ça fait 10 ans que je le répète à chaque formation sur l’approche des candidat·es.
Pourtant, ça reste un des points les plus négligés par les recruteurs.
Dans son talk : Rethinking Outreach, Sandra Feldman nous a partagé quelques chiffres.
Le premier c’est que 71% des réponses viennent des relances.
71% !
Ce chiffre vient d’une analyse de SourceWhale qui est un outil qui propose aux recruteurs une solution complète pour écrire des messages et paramétrer les relances.
Concrètement, ça signifie que les recruteurs et recruteuses qui n’envoient qu’un seul message auront trois fois moins de réponses que les autres.
Autre point crucial : en variant les canaux d’approche on multiplie le taux de conversion par 3. Là encore, je ne le découvre pas mais ça fait du bien de le revoir.
Bien entendu… gérer des relances et des changement de canaux à la main est compliqué. Voilà pourquoi un outil comme Sourcewhale (que je ne connaissais pas, mais en français on a Hiresweet) change la donne.
Ce genre d’outil permet de rédiger toute une séquence avec des conditions et des délais. Par exemple ici on commence par un email, puis au bout de 24 heures si on a pas de réponse ça envoie une demande de connexion Linkedin… et ainsi de suite.
Et même les parties non automatisée (comme l’appel à l’étape 4), c’est bien de les avoir dans un endroit centralisé comme ça où on aura le rappel.
Enfin, Sandra nous a proposé plusieurs templates de messages d’approche.
Voilà celui qui m’a le plus interpellé. C’est dur de le traduire sans perdre la bonne dose de l’émotion. Mais je vais essayer.
Objet : On dit que lorsqu'on fait ce que l'on aime, on ne travaille jamais un seul jour de sa vie.
Salut [Prénom],
Aimes-tu avoir une influence directe sur ton travail ?
Apprécies-tu d'être écouté et pris en compte ?
Aimes-tu travailler dans un environnement agile et en constante évolution ?
Dans ce cas, je t'invite à NE PAS TRAVAILLER pour [Entreprise concurrente].
Notre entreprise étend ses équipes de [département], et je pense que tu aimerais y travailler.
[Prénom], tu serais parfait en tant que [rôle] h/f/d.
Assure-toi de jeter un œil ici - [lien].
Tous les postes dans le [département] peuvent être en télétravail.
Je t'invite à planifier un appel rapide avec moi pour discuter de ton expérience et de tes aspirations pour l'avenir de ta carrière via ce [lien].
J'attends avec impatience ton retour !
J’ai trouvé ce template intéressant car je trouve ça assez culotté (et davantage dans la culture anglo-saxonne) d’envoyer un tacle direct au concurrent. Comme le fait Burger King dans ses pubs.
Voilà ce que ça donne avec un exemple fictif :
Objet : On dit que lorsqu'on fait ce que l'on aime, on ne travaille jamais un seul jour de sa vie
Salut Marion,
Aimes-tu avoir une influence directe sur ton travail ?
Apprécies-tu d'être écoutée et prise en compte ?
Aimes-tu travailler dans un environnement où l’accent est mis sur l’autonomie et l’apprentissage ?
Dans ce cas, je t'invite à NE PAS TRAVAILLER pour Formator Generalis.
L’Ecole du Recrutement développe son équipe commerciale, et je pense que tu aimerais y travailler.
Marion, tu serais parfaite en tant que Directrice Commerciale.
Assure-toi de jeter un œil ici - [lien d’une annonce].
Tous nos postes peuvent être en télétravail.
Je t'invite à planifier un appel rapide avec moi pour discuter de ton expérience et de tes aspirations pour l'avenir de ta carrière via ce [lien vers un endroit pour booker un call].
J'attends avec impatience ton retour !
Je n’aime pas tout dans ce message, mais je trouve l’idée intéressante.
#2 | Comment on peut créer l’amour du métier avec… des KPI
Coralie Nohel avait un énorme défi puisqu’il s’agissait de rendre intéressante une conférence sur les KPI.
Et elle a pris un angle surprenant que j’ai adoré : les KPI comme instrument pour susciter des vocations.
Par exemple, dans son équipe une grande partie des personnes étaient réticentes à faire du sourcing. Parce qu’elles avaient été traumatisées dans une expérience précédente où le sourcing se résumait à écrire à des gens qui ne répondent pas parce qu’on écrit de mauvais messages d’approche dans un marché en pénurie.
De plus, comme beaucoup de recruteur et recruteuses elles avaient l’idée reçue qu’on ne doit pas faire de relance.
Or, comme on l’a vu précédemment la relance est cruciale.
Pour paraphraser François Gauthier :
“Il n’y a que deux choses importantes dans l’approche : l’empathie et la relance. Et ce sont les deux choses les plus négligées”
Coralie a donc commencé par organiser des sessions collectives pour rédiger des relances. Afin de rendre l’exercice fun. En groupe on peut proposer des idées de manière plus décomplexées, en mode brainstorming, puis voter. Avoir un regard extérieur permet de rassurer.
Puis, dans un deuxième temps, Coralie a imposé 5 relances par rapproche. Avec mesure des résultats.
Verdict ? Grand choc pour l’équipe : les messages qui généraient le plus de réponses étaient la 4ème et la 5ème relance.
Alors on pourrait se dire non mais ok mais si les gens répondent pour nous dire d’arrêter de les harceler ça sert à quoi ?
Sauf que pas du tout : les réponses étaient du type désolé de ne pas avoir répondu plus tôt…
Autre point fondamental : Coralie n’utilise JAMAIS les KPI comme instrument de punition ou de flicage. Ça permet à chaque membre de l’équipe de se sentir à l’aise de partager les “mauvais” chiffres et de pouvoir demander de l’aide.
Enfin, Coralie a partagé un aperçu des chiffres qu’elle mesure :
Recherche
Approche
Évaluation
Décision
Analyse Finale
#3 | Attention aux liens qu’on envoie aux candidat·es !
Jan Tegze nous a montré comment il envoyait des vidéos “personnalisées” aux candidats avec une IA permettant de lui faire dire le texte qu’il veut.
Mais ce n’est pas ce qui m’a intéressé dans son talk. Ce que je retiens c’est ce chiffre :
82% des liens qu’on m’a envoyé dans des messages d’approche sur LinkedIn pour me recruter sont cassés après 3 mois.
Ce n’est pas une étude car ça repose uniquement sur les messages d’approche qu’il a lui-même reçu MAIS ça ne m’étonne pas et je pense que c’est une bonne approximation du chiffre.
Ça nous alerte sur un point crucial : on envoie des liens vers des annonces et ensuite elles expirent, ce qui transforme le lien en lien cassé.
J’ai moi-même souvent cette frustration car dans mes formations à l’annonce je veux montrer des exemples à mes apprenant·es. Mais parfois l’exemple que je sélectionne en préparant mon support la veille ou l’avant-veille expire…
Quelqu’un retire l’annonce et j’arrive sur une page d’erreur.
Je suis tellement content quand l’entreprise a des archives. C’est-à-dire qu’on clique sur l’annonce et ça arrive sur la page mais y’a écrit en gros annonce expirée.
C’est beaucoup mieux que d’arriver sur une page d’erreur. Car déjà on a une info : l’annonce a été pourvue et ensuite on peut quand même lire l’annonce et éventuellement se dire qu’on repostulera la prochaine fois qu’un poste est ouvert.
D’ailleurs, parfois le même poste est ouvert dans un autre endroit ou une autre temporalité. En arrivant sur une page d’erreur, le candidat fuit.
Alors, que faire si ton système de gestion des annonces crée des liens cassés quand l’annonce est pourvue ? Jan nous a partagé un outil : pxl.to.
Grâce à ça tu vas pouvoir changer le lien qui est derrière.
Par exemple, imaginons que tu recrutes un commercial pour faire de la prospection. Tu as une annonce qui a un lien du type : job.carreers.entreprise.com/fr/job/157998/commercial-prospection
Tu vas dans pxl.to, tu copies colle ce lien. Ça te donne alors une version raccourcie.
Par exemple : pxl.to/commercial-nomdetonentreprise.
Maintenant, on est 1 mois plus tard et l’annonce est pourvue. Donc le lien de base est désormais cassé. Il envoie sur une page d’erreur.
Tu retournes alors dans pxl.to et tu changes le lien de destination. Par exemple imaginons que tu as une annonce pour un commercial qui fait de la gestion de compte. C’est l’annonce la plus proche de la précédente. Et bien tu remplaces dans pxl.to mais ton lien reste le même : pxl.to/commercial-nomdetonentreprise
Sauf qu’au lieu de renvoyer vers la première annonce, il renvoie désormais vers la deuxième.
Puis, imaginons qu’encore un mois plus tard tu as pourvu le poste. Mais tu n'as rien de similaire. Et bien tu peux remplacer la destination du lien pour mettre une page carrière où tu présentes le métier de commercial dans ton entreprise.
Ou carrément simplement un lien vers ta page carrière tout court.
Comme ça, peu importe le moment où le candidat ouvre ton message puis ton lien, il tombe sur quelque chose que tu maîtrise et non pas une page d’erreur.
En faisant ça, Jan a réussi à augmenter le taux de retour des candidat·es approché·es de 27% !
Je trouve ça fou : juste en faisant attention à ce qu’un lien ne se casse pas.
#4 | Les filtres de LinkedIn sont dangereux
Gabi Preston-Phypers nous a proposé un talk autour de l’idée de se débloquer dans nos recherches sur LinkedIn Recruteur. Que faire quand on ne sait plus quoi faire ?
Le problème des intitulés de poste
Elle a rappelé un point important : beaucoup de gens utilisent des titres de postes très différents. De telle sorte que c’est impossible de les trouver en utilisant une recherche via l’intitulé.
Le problème de la boîte noire
Autre point : mettre les guillemets sur un mot dans LinkedIn Recruteur te permet de garder le contrôle sur la recherche et d’éviter que LinkedIn extrapole des compétences.
Dans mes formations au sourcing j’ai souvent des personnes qui me disent : mais pourquoi s’embêter à écrire “développeur OR développeuse” alors que nos outils vont extrapoler ?
Ma réponse est toujours la même : l’outil est une boîte noire et tu ne sais pas ce qu’il fait. Donc c’est bien de se reposer dessus, mais c’est bien aussi de savoir repasser en mode manuel dans les situations compliquées.
Mais… mettre les guillemets a une conséquence fâcheuse : LinkedIn va chercher dans des endroits limités. Alors qu’en les enlevant il va chercher dans les skills et les CV uploadés (quand ils existent), par exemple. Donc on peut vraiment élargir les résultats.
Un outil pour booster sa productivité avec les requêtes
Elle a ensuite prêché pour sa paroisse en montrant comment son outil (Tooled Up Raccoons) permettait d’aller beaucoup plus vite qu’à la main ou qu’avec ChatGPT.
C’était très convaincant.
L’outil permet de partir d’une requête complexe et globale :
Pour ensuite la décomposer en appuyant sur le bouton “combos” :
Ensuite on peut sélectionner de manière progressive ce qu’on veut tester dans LinkedIn ou une CVthèque :
En gros, l’outil permet de booster sa productivité dans la construction de requête, en évitant tous les copier/coller et autres manipulations fastidieuses.
Le danger des filtres LinkedIn
Mais le point phare de son talk pour moi c’était l’idée selon laquelle faire des recherches en utilisant les filtres LinkedIn est dangereux. C’est une idée qu’Irina (voir point suivant) a également beaucoup appuyée.
Le problème c’est que tous les gens ne remplissent pas correctement leurs profils LinkedIn. Donc quand on utilise un filtre comme années d’ancienneté on n’exclut tous les profils qui ont mal rempli ça. Idem.
Petite astuce anti biais
Bonus de son talk : utiliser la fonction cacher le nom et la photo dans LinkedIn Recruteur. Je ne connaissais pas du tout. Ça permet de diminuer au maximum les biais que l’on peut avoir quand on source.
“Lorsque la fonctionnalité est activée, le recruteur masque les photos des candidats et les remplace par des avatars attribués au hasard tout au long du processus de recrutement.”
Astuce pour ne pas retomber sur les mêmes profils dans LinkedIn Recruiter
Toujours dans la famille des astuces sur LinkedIn Recruiter, Gabi a expliqué comment faire en sorte de ne plus tomber sur les mêmes profils encore et encore :
On commence par créer un nouveau projet. Ensuite on va dans la recherche avancée et on trouve le champ “projet”. Dans ce champ on va rentrer le nom du projet qu’on vient de créer puis cliquer sur l’icône “Exclure”.
Puis on utilise le bouton "Enregistrer dans le pipeline" lorsqu'un profil correspond ou pourrait correspondre. À l’inverse, on utilise le bouton "Masquer" lorsqu'un profil ne correspond pas.Et, du coup, chaque fois qu’on actualise la page elle va masquer à la fois les profils qu’on a enregistré ET les profils qu’on a masqué. Ne laissant ainsi que les profils qu’on a pas encore consulté.
Mieux encore, ça marche en collaboration donc on peut être plusieurs recruteurs à travailler sur le même projet et s’assurer qu’on ne voit jamais deux fois le même profil.
L’astuce est détaillée ici : https://www.tooledupraccoons.com/blog-posts/clean-slate-sourcing
#5 | Le nombre de profils qu’on rate en utilisant les filtres LinkedIn
Irina Shamaeva est souvent présentée comme the goddess of sourcing. Ce n’est pas un hasard. Chaque année son talk avec ses découvertes sur le sourcing est un des moments les plus attendus du SOSU.
Cette année elle a décidé de mettre en garde sur les filtres LinkedIn.
LinkedIn a un problème : il y a un énorme décalage entre les infos dont les recruteurs ont besoin et les infos que les profils remplissent.
Comment faire ? Ils ont choisi d’extrapoler certaines informations. Par exemple en déduisant les compétences d’une personne en fonction des personnes qu’elle a dans ses relations.
Sauf que… ça crée un effet boîte noire : on ne sait pas comment c’est attribué exactement. Mais surtout : même en faisant ça, la majorité des profils LinkedIn restent impossibles à remplir.
Par exemple, un des filtres de LinkedIn Recruteur c’est taille de l’entreprise. Irina nous a démontré que ce filtre excluait 610 millions de profils sur les 960 millions.
En d’autres termes, le simple fait d’utilise ce filtre va me faire rater 64% des profils !
C’est terrible.
Et c’est le cas pour énormément de filtres LinkedIn. Notamment :
- Taille de l’entreprise
- Séniorité
- Années d’expériences
- Compétences
À chaque fois, le simple fait d’utiliser un de ces filtres va exclure entre 60 et 70% des profils !
Pire encore… dès que tu vas cumuler des filtres tu vas commencer à exclure entre 90 et 93% des profils !
Autre point que j’ignorais mais que j’avais senti sans comprendre d’où ça venait : si tu ne paies pas LinkedIn Recruteur alors l’efficacité de tes recherches est extrêmement dégradé. Même si tu paies un compte LinkedIn Premium !
Que tu sois en gratuit ou en premium simple, LinkedIn considère désormais que tu n’es PAS recruteur/recruteuse et que par conséquent tu n’as besoin que de chercher des gens que tu connais par leur prénom et nom.
En même temps ce n’est pas faux, c’est effectivement l’usage que font les gens “normaux” de LinkedIn.
Par conséquent il devient de plus en plus nécessaire d’avoir une licence Recruiter (ou de passer par Google).
#6 | S’obliger à la créativité dans ses recherches
L’inénarrable Balazs Paroczay nous a fait un talk sur l’automatisation de tout le process du sourcing. Mais ce n’est pas ce que j’ai retenu.
Ce qui m’a marqué c’est un truc tout simple : inciter les sourceurs/sourceuses à élargir leurs requêtes.
Ici on a un formulaire où le recruteur doit remplir :
- 5 intitulés de postes qui sont différents de celui qui est sa fiche de poste
- Un candidat qui a fait une coquille dans son profil
- La preuve qu’il a essayé de faire une recherche en utilisant la fonction Alumni de Linkedin
- Des événements LinkedIn pertinents où ses cibles sont susceptibles d’aller
C’est tout simple mais ça m’a inspiré. On est pas obligé·e de choisir les mêmes questions que lui mais la pratique est intéressante. Une forme de check-list du sourcing pour m’obliger à ne pas tomber dans un tunnel trop étroit.
#7 | Comment manager une équipe de recruteurs et recruteuses ?
Jusque là je t’ai raconté des talks autour de l’approche, puis autour de l’identification. Les 3 derniers seront autour de la gestion d’une équipe de sourcing.
On commence avec Renita Käsper qui a fait mon talk préféré. Son talk était incroyable. Mais surtout c’était un condensé énorme. Elle a développé 10 points en 30 minutes, alors que chaque point aurait pu faire l’objet d’un talk d’une heure.
Du coup, ça va être totalement impossible de te retranscrire de manière complète. Mais voilà quelques gemmes.
Un modèle pour faire de bons feedbacks
Premièrement, elle a insisté sur l’importance d’apprendre à faire des feedbacks.
Elle a recommandé cette conférence sur le sujet :
Puis elle a montré un framework qui s’appelle ASK :
L’idée c’est qu’un bon feedback doit être Actionnable, Spécifique et Bienveillant (Kind). Si on a que deux éléments c’est incomplet.
Actionnable et Spécifique : “tu as eu 10 minutes de retard en retour de la pause, si tu te souciais de ma personne ou de mon temps, tu serais à l’heure”
On voit que c’est un peu violent, même si c’est très précis et que la personne sait quoi faire pour que ça n’arrive plus.
Actionnable et Bienveillant : “tu es souvent en retard en retour de pause, tu pourrais s’il te plaît revenir à l’heure ?”
Ici il manque la spécificité qui est d’ailleurs un des pilliers d’un autre framework de communication (la CNV) : dire à quelqu’un qu’il est souvent en retard risque de le braquer.
C’est comme dire tu ne ranges JAMAIS tes affaires à un enfant (ou à un adulte d’ailleurs). On va donc préférer une communication qui désigne un événement spécifique et précis pour éviter d’interpréter.
Spécifique et Bienveillant : “Tu étais 10 minutes en retard en retour de pause, aujourd’hui”
Il faut l’imaginer avec un ton détendu. Ici ce qu’il manque c’est qu’on ne fait aucune demande. Il n’y a pas d’appel à l’action.
Voilà maintenant la version avec les trois éléments :
Actionnable Spécifique et Bienveillant : “Cet après-midi tu es revenu de pause avec 10 minutes de retard alors qu’on s’était mis d’accord sur l’horaire. Attendre dans le vide me donne l’impression que mon temps n’est pas valorisé. Pendant ce temps, je ne pouvais pas avancer sur notre travail commun car j’avais besoin de ton avis. Ce serait possible d’arriver à l’heure la prochaine fois ?”
Comment déléguer
Ensuite, Renita nous a présenté un modèle pour apprendre à déléguer. Ça s’appelle le Poker de Délégation. Un outil ludique pour réfléchir à ce qu’on veut/doit/peut déléguer dans l’équipe et comment :
À chaque fois on évalue à quel niveau de délégation la tâche doit être faite. Ici, le “je” désigne la personne qui manage l’équipe. Mais chaque membre de l’équipe donne son avis pendant le jeu.
Niveau 1 - Dire : Je prends la décision et j’informe l'équipe de cette décision
Niveau 2 - Vendre : Je décide puis je persuade les équipes de l’intérêt de la décision
Niveau 3 - Consulter : Je consulte mon équipe avant de décider
Niveau 4 - Se mettre d’accord : Je me mets d’accord avec l’équipe avant de décider
Niveau 5 - Conseiller : Je conseille et influence la décision mais c’est l’équipe qui a le dernier mot
Niveau 6 - Veiller : L’équipe me tient au courant après chaque décision
Niveau 7 - Déléguer : J‘ai totalement délégué
On va donc se réunir avec toutes l’équipe. On ramène une liste de plein de tâches qu’on envisage de déléguer. Puis pour chaque tâche on va suivre ce protocole :
1.Une personne choisit une situation et la lit à haute voix
2. Chaque joueur choisit en privé l'une des sept cartes de délégation, en réfléchissant à la manière dont il déléguerait la décision dans cette situation particulière.
3. Une fois que tous les joueurs ont pris leur décision, ils peuvent révéler les cartes qu'ils ont choisies.
4. Chacun gagne des points en fonction de la valeur de sa carte, à l'exception des joueurs qui constituent la "minorité la plus faible" et du joueur qui a mis la carte plus haut tout seul (voir ci-dessous).
5. Les personnes ayant les cartes les plus élevées et les plus basses expliquent le raisonnement qui sous-tend leurs choix.
6. On rentre les résultats dans un tableau pour dégager un consensus.
Si une seule personne choisit le niveau 7 (ou le plus haut), cette option est rejetée et il ne gagne aucun point. En revanche si plusieurs personnes l’ont fait alors les points sont gagnés.
Règle optionnelle : si une seule personne choisit le niveau 1 (ou le plus bas) alors elle perd également les points.
L’idée de ces deux règles c’est de réguler les personnes qui ont tendance à vraiment trop/pas assez déléguer.
Le rôle du responsable recrutement
Enfin, Renita a présenté l’idée de faire décider par l’équipe quel est le rôle du responsable. Ça m’a énormément parlé. Car, je peux avoir une idée de ce qu’on attend de moi en tant que responsable recrutement. Mais cette idée est-elle en accord avec ce qu’attend l’équipe ?
La meilleure manière de le savoir reste de lui demander directement.
Renita a présenté un modèle d’Armin Trost pour présenter le mix de ce qu’on peut attendre d’un·e manager :
L’idée c’est ensuite c’est de jouer à un jeu où chaque personne va attribuer un total de 10 points aux 4 catégories. Par exemple :
Boss : 1
Partenaire : 5
Coach : 3
Facilitateur : 1
Puis, on dévoile les résultats. On voit alors si y’a un décalage entre ce que je pense devoir être en tant que manager et ce que chaque membre de l’équipe attend de moi.
Puis, on prend du recul sur les conséquences des décalages. Par exemple si dans ma tête je devais être 70% partenaire et que mon équipe attend que je sois 70% boss… ça risque de créer des situations de paralysie de la décision.
#8 | Désigner des managers comme étant les managers référents pour le recrutement
Nicolas André nous a fait une masterclass de déploiement d’un process de sourcing efficace, chez Airbus. C’est extrêmement dur à résumer car c’était une vraie étude de cas. Mais voilà ce que j’en retiens.
La situation initiale
Premièrement, Nicolas nous a raconté les contraintes de départs :
- Le timing : beaucoup de profils à recruter subitement suite à la hausse des objectifs de production de Airbus
- L’ambition : il fallait chercher des compétences en externe alors que jusque là on le faisait via la formation interne
- Pénurie de candidats : le type de profils recherché est en état pénurie
Que faire ?
La première action a été de créé une Task Force du sourcing. En cela on remettait le sourcing au centre du jeu.
Ils ont physiquement réuni la vingtaine de personnes concernées par le sourcing : les 5 sourceurs bien sûr, mais aussi les recruteurs externes et des responsables de la mobilité interne.
En ce qui concerne les 5 sourceurs, ils ont déployé une organisation inspiré de SCRUM. Avec donc des points quotidiens d’avancement, une revue hebdomadaire des KPI.
Mais surtout… ils ont mis en place une règle qui m’a marqué : si on bloque plus de 24 heures sur un problème on demande immédiatement de l’aide à un n+1 qui est désormais en charge de le résoudre. Et ainsi de suite.
Simplifier
Le deuxième point fondamental a été la simplification. Avec notamment :
- La règle du feedback en 48 heures : la durée max qu’un manager opérationnel peut mettre à faire son retour candidat
- Des revues hebdomadaires de CV : avec le manager bloquées dans les agendas
- 2 entretiens au lieu de 3 : un avec le manager, un avec le recruteur
- Des entretiens chaque semaine : bloqués dans les agendas
- Un manager référent pour chaque job : le point de contact qui se dédie à la mission
Un rôle inédit
Le dernier point est vraiment celui que je retiens en priorité. En gros, sur les centaines de managers opérationnels d’Airbus, ils ont décidé d’en sélectionner une vingtaine qui serait responsable du recrutement pour tous les autres managers !
Afin d’avoir des interlocuteurs engagés et concernés. C’est une méthode qui avait déjà été présenté par François Gauthier (encore !) il y a quelques années. Il appelait ça les interlocuteurs privilégiés :
La pratique de l’analyse marché
L’autre point marquant de ce talk, hormis les résultats très positifs qui ont été obtenus (on note que ce genre de démarche implique nécessairement d'être très solide sur l’analyse des KPI), c’est la notion d’analyse de marché.
Nicolas a lui-même dit que c’était LE point crucial qui était souvent négligé. L’idée selon laquelle les managers ont l’impression qu’on source dans un bassin infini de candidats.
L’analyse de marché sert à donner de la visibilité là-dessus. Malheureusement, ma photo est particulièrement floue.
Mais en gros, l’idée c’est de poser les questions suivantes :
- Quel est la taille de mon bassin de candidat·es ?
- Quels sont mes canaux d’approche ?
- Qui sont mes concurrents ?
- Où puis-je et ne puis-je pas sourcer ?
- Combien de profils j’aurais besoin d’approcher ?
Ce qui nous permet ensuite de présenter la situation au manager. En lui disant par exemple : 33% de notre bassin de candidats travaille actuellement chez ces 6 concurrents.
Ou encore : le bassin sur LinkedIn est de 1400 profils au total, nous en avons sélectionné environ 590 puis nous en avons contacté 355. Il ne reste plus que 226 à contacter.
Or, pour l’instant, nous n’avons que des refus. Donc il faut qu’on change de stratégie. Ou alors : pour l’instant nous avons 3 personnes en attente de validation, on vous tient au courant.
Avant les vacances d’été je m’étais noté cette question dans ma boîte à idée :
Pourquoi on fait des briefs avec les managers mais pas de débriefs ?
Et bien pour le coup c’est exactement ça que je trouve puissant ici : le débrief pendant l’opération pour réajuster la trajectoire. Mais également pour montrer nos efforts et faire comprendre qu’on ne fait pas rien.
#9 | Appliquer la méthode Agile au sourcing
On finit avec le talk d’Achuthanand Tanjore Ravi qui nous a expliqué comment Uber a réussi à faire du sourcing de masse. Réponse : avec une démarche similaire à celle de Nicolas chez Airbus mais portée au niveau encore au-dessus.
Le talk était extrêmement dense. Je vais donc te passer la partie où il a expliqué comment déployer la stratégie Inbound, c’est-à-dire faire en sorte que les gens postulent chez nous.
La stratégie des landing pages
Mais j’en profite quand même pour montrer un point qui m’a interpellé : au-delà des annonces, ils ont également mis en place ce qu’on appelle dans le marketing des landing pages. C’est-à-dire des pages web dont le but est de faire en sorte que les gens qui se baladent sur un certain mot-clé, tombe dessus et laissent leur coordonnées. Bien sûr, dans le recrutement ça ne peut-être fait qu’avec des métiers récurrents. Ici avec le métier de chauffeur :
Comment déployer un processus efficace de sourcing ?
Revenons donc à la partie Outbound, c’est-à-dire le sourcing pur. Achuthanand a commencé par illustrer les 4 grands problèmes du recrutement tel qu’il est habituellement fait :
- Tout est prioritaire, ce qui signifie que rien n'est prioritaire
- Il manque de rythme et d'opportunité de s’améliorer
- Les clients/managers et les recruteurs ont souvent des conflits d’intérêts
- La boucle de feedback est cassée
Il a donc proposé une méthode qu’il a appelé le recrutement DASH. Avec 4 principes pour contrecarrer les 4 grands problèmes. Le tout sur des périodes de “sprint” de 2 semaines.
On fait 25 sprints par an donc ce ne sont pas des moments exceptionnels. Il faut voir ça plutôt comme une cadence. 15 jours devient l’unité de cadence.
Principe 1 : se concentrer sur un plus petit nombre de jobs ouverts
Bien sûr que c’est dur de prioriser les jobs. Mais, en ne le faisant pas, on crée de la déception puisque tous les jobs ne seront pas servis.
Il vaut mieux assumer qu’on ne peut pas tout faire et le communiquer clairement aux managers qui recrutent.
Dans le recrutement DASH on prend la longue liste de postes vacants et on se concentre uniquement sur ceux qui doivent être pourvus à court terme. Mais, en échange, on s’engage bien plus fortement à les pourvoir.
Principe 2 : ce sont les clients/managers qui définissent la priorité
Le corollaire du premier principe est important. Qui définit la priorité ? Les recruteurs ne peuvent pas imposer ça. C’est donc bien les clients/managers qui sont en charge de définir la priorité. Pour y arriver, on distribue à chaque managers 100 pièces. Et il répartit les pièces comme il veut sur les jobs ouverts.
Les jobs qui ont le plus de pièces sont ceux qui sont retenus pour être pourvus dans la prochaine période de “sprint”.
Principe 3 : des limites dans les goulots d’étranglement
Je pense que c’est le point qui m’a le plus marqué. On décide de seuils de goulot d’étranglement qui ne peuvent jamais être dépassés. Par exemple on dit : quand un manager a 5 candidats en attente de passer leur entretien avec lui, on arrête de lui en envoyer. On passe aux jobs de priorité inférieure.
De même, quand 5 candidats sont en attente du retour du manager, on arrête de lui en envoyer.
En gros on définit le nombre maximal de candidats à chaque étape du process.
Principe 4 : si le manager échoue à répondre en moins de 48 heures à un candidat il perd immédiatement toutes ses “pièces”
Principe similaire à ce qu’a présenté Nicolas André mais avec une conséquence claire : un manager qui échoue à répondre à un candidat se voit sorti du sprint. Toutes ses “pièces” sont retirées du sprint actuel.
J’aime bien cette idée car à la fois c’est direct et intransigeant mais à la fois c’est sur une durée de deux semaines. Donc si la personne avait une actualité particulièrement mouvementée, ce n’est pas grave : elle sera servie lors du prochain sprint de 2 semaines.
À l’année prochaine
Je ne pensais pas que résumer la moitié des conférences que j’ai faites allait prendre autant de temps ! D’ailleurs, celles que je n’ai pas résumées ce n’est pas que j’ai moins aimé. C’est plutôt que c’était des conférences d’inspiration (Rassam), de prospective (Guillaume) ou alors tellement technique qu’il faudrait y dédier un article entier (Pierre-André).
En tout cas, je ne peux que t’inviter à te rendre au moins une fois dans ta vie dans cet événement. Les résumés ne peuvent que transcrire partiellement la dose de connaissance, d’inspiration et de motivation que ça redonne. Sans compter ce sentiment d’appartenance à une communauté qui fait du bien sachant comment ce métier est un métier qui parfois est solitaire.